Poèmes de Bobby Paul
Graffitti
Silence, technique mixte —par Marie-Denise Douyon. Tirée de Haïti au toit de la Grande Arche, 1998.
Connais-tu mon ami
la douleur des mots
imbibés de haine
plaqués contre
le mur des refus
pour le malheur
d’un homme
dont le seul crime
est la nuit qu’il porte
ou la différence qu’il affiche
pour annoncer le jour
dans la vie
pour sa vie
dans sa vie
toute la vie?
Connais-tu mon ami
la chanson de silence
des larmes et des pleurs
que l’âme et le cœur
de l’oppressé
et de l’opprimé
depuis le premier cri
depuis le premier temps
fredonnent sans répit
mais que personne d’autre
n’entend pas
ne ressent pas
ne comprend pas
ni ne reprend pas?
Si mon ami
tu entends
comprends
reprends
et ressens tout cela
dans la vie
pour la vie
toute la vie
à vie
en somme mon ami,
tu es un surhomme.
Enfin
Il part lui
il part loin
de ce monde fou
il va vers les nuages
récolter un peu de paix
d’amour et de rêves.
Il n’invite personne
il n’invite que lui-même
car il n’a que lui
et lui seul à inviter.
Il n’a que lui
et lui seul
à emmener
au sommeil
éternel
de ses maux.
Enfin une étoile
est tombée du ciel
et lui
le poète
il se noie
et flotte vague
dans le trop plein
de larmes
de ses propres mots.
Le meilleur
Hier encore tu passais
les yeux pleins de vie,
aujourd’hui tu t’en vas
les mains remplies de vide.
Je regrette ne t’avoir pas dit
ce que je devrais te dire,
je regrette n’avoir pas eu la force
de mettre mes pensées à nu,
et te dire que tu étais grand,
tu étais le meilleur,
te dire même que tu étais Dieu!
Je le regrette infiniment mon ami
car ça ne m’aurait rien coûté
de te couvrir de compliments,
ça ne m’aurait rien coûté
de te voir sourire,
rire vraiment
de mes anodines flatteries.
Ne serait-ce pas mieux tout ça
mon ami,
mon frère?
Mon alter ego
ne serait-ce pas mieux tout ça?
Un ami,
un vrai ami,
sans mesure à demi,
se ressemble aux parents.
Pour les parents, on est toujours meilleur
pour les parents ne nous sommes pas des dieux?
Mais voici que je te laisse partir
sans avoir jamais eu la force
de te dire en tout tu étais meilleur
et meilleur tu resteras mon bon ami.
Halte!
Poètes!
Poètes!
Poètes!
Réveillez-vous!
Voyez, c’est déjà l’Aube,
le soleil est au rendez-vous,
et déjà partout
dans les champs en feu
montent les refrains tristes des oiseaux,
les hauts cris de consternation des paysans,
les complaintes inaudibles des ouvriers,
et les lourds soupirs des laissés-pour-compte.
Donnez-moi votre main
Tenez fort la mienne
Allons!
Allons tous crier:
HALTE! HALTE!
C’en est assez!
Allons tous ensemble
sous les regards
incommodes à l’Amour
essuyer les yeux du monde!
Viens
Viens! Viens mon bel ange
viens donc m’offrir dans un mot d’entente
tes expériences de femme amoureuse.
Viens! Viens!
Viens donc ma chérie
me donner ta main et ton cœur.
Tu vois la vie
c’est une femme en amour
qui se fait belle,
de plus en belle
pour nous deux
juste pour toi et moi
oui toi et moi seuls dans le temps
seuls avec notre temps dans le temps
alors donne-moi ta main et ton cœur
offre moi un de ces regards qui tuent
tous les chagrins et peines de l’absence
souris-moi mon ange
réveille en moi mes rêves
tous mes rêves
de tes yeux dans le soir
tous mes rêves
de ton beau corps dans le noir
réveille en moi
tout ce qui puisse être beauté
donne-moi ma mignonne
tout ce que ton corps a de volupté.
À mes yeux tu es aussi belle que la vie
tu es même plus belle que la vie
et qui sait, mon amour, si je ne t’aime pas
plus qu’une personne a jamais aimé sa vie.
Alors viens! Viens mon bel ange
viens m’offrir dans un mot d’entente
tes expériences de femme folle d’amour.
Dis-nous poète
Dis-nous poète
vers quel océan de tolérance,
quel port d’acceptation totale
se dirigera ton bateau,
qui se love sur les roulis
des heures froides,
chargé de rêves fantastiques
et d’images merveilleuses,
pour que nous puissions
être dans la rade,
sur le quai,
sur la berge,
le cœur et la plume en main
pour te saluer d’éternité
pour t’embrasser de liberté.
ô! Poète immortel,
Poète total,
Poète vertical,
Dis-nous où tu seras
pour que l’amitié ne meurt pas,
pour que la fraternité n’abandonne pas l’humain,
pour que le temps ne s’arrête pas,
pour que la vie soit encore plus belle,
plus sublime
plus splendide
et d’autant plus merveilleuse
comme le sont en nous les mots?
Dis poète,
dis-nous,
dans le temps,
où seras-tu
sans les chants séculaires
et nos cris futurs
pour la survivance
l’existence
et la liberté
des ressentis nouveaux?
Dis-nous poète
dis-nous…
IL… Ole
Il salue cordialement
le temps
pour son temps
dans le temps
d’un faisceau bleu.
Il dit: Sachez chers amis
que les mots
les plus simples
les plus ordinaires
mais les plus beaux
savent en vérité
comment faire tomber
tous les obstacles
tous les préjugés
toutes les contraintes
comme les hauts murs de Jéricho
jusqu’à celui des silences de Berlin
pour y laisser entrer la lumière
pour laisser passer la liberté
pour souhaiter bienvenue aux mots
à la POESIE.
Il dit: Toute poésie
totale ou fatale
fantaisiste ou surréaliste
classique ou symbolique
est LUMIÈRE.
Ô! Soleil
Lune
Étoiles des cieux
dites qui peut éclipser
un jour
pour toujours
la lumière?
Il salue cordialement le temps
et ne brocante que l’Amour
contre l’exclusion et la haine.
L’Amour
L’Amour
quelle douce folie
quelle heureuse absurdité
c’est bon pour le moral
qui exagère
et qui dit oui au corps
et au cœur
et à l’âme
jusqu’à la mort
mort de vivre
mort de rire
mort de joie
mort raide
et les morts se retournent dans leur tombe
ils grouillent comme des verres de terre
ils ont vu de beaux corps vivants
quand les squelettes du Thriller
du Prince of Pop
sourient éternellement
sans savoir si elles étaient des hommes ou des femmes
elles sont hermaphrodites les squelettes
et depuis lors le Prince ne sait plus qui il est
il ou elle est devenu (e) asexué (e)
comme les squelettes
oui il est asexué
il est à présent ni homme ni femme
ni blanc ni noir
il est devenu simplement un humain
oui un humain portant une trop lourde couronne
c’est comme le Christ et sa croix
il fait les stations de la couronne
comme le Christ avait fait les stations de la croix
O quel calvaire!
Tout le monde crie Miracle!
Miracle!
Miracle!
J’habitais rue des Miracles en Haïti
tous les jours je voyais passer
le Christ dans Sa Volkswagen
je Lui avais demandé un jour
pourquoi Tu as choisi une Volkswagen
Il m’avait répondu c’est la voiture du peuple.
Je Lui demandais s’Il parle aussi allemand
Il m’avait répondu je parle la langue de tous les démunis
des quartiers interlopes du monde entier.
Regardant droit dans les yeux du Christ
je voyais que le Christ était amoureux
comme moi pauvre habitant de la rue des Miracles.
Mais triste avant son retour au ciel retrouvé son Amour
Il ne m’avait rien laissé
pas même Sa Volkswagen.
Pourtant, Il m’a laissé Sa Parole
et m’avait dit fiston au commencement était la Parole
et la Parole était avec Dieu.
Je lui avais répondu moi Poète je suis qu’un magicien
qui utilise les mots de la Parole
pour poursuivre le Rêve et le Bonheur de vivre sur terre.
—Bobbypaul (2006–2006)
Poèmes de Üzeyir Lokman Çayci
Mon jugement
Ils m’ont jugé devant les fleurs
Les fleurs se sont tues
Les jours ont parlé
Une accusation a pénétré mes yeux
J’ai clamé mon innocence
Ils ne m,ont pas écouté
Je sais
Les fleurs pensaient à quelque chose
Les nuits m,en sont témoins
Je les ai suppliés de m’écouter
Les déclarations des étoiles
Ils n’ont pas écouté.
En plein milieu des nuits
Mon cœur s’est senti encerclé
Je me suis laissé emporter
Par les obscurités
Qui bandent mes yeux
Ma solitude était plantée dans mon cœur
Je n’ai pas pu expliquer
Que je n’avais personne
Ils n’ont pas écouté
Ils m,ont jugé devant les fleurs
Ils ont lié les nuits
À mes bras
Et ils m’ont exilé dans le noir
Tout seul
J’ai clamé mon innocence
Ils n’ont pas écouté.
(Istanbul, le 1 janvier 1973)
J’étais petit, tout petit
J’étais petit
Tout petit
On a planté une rose dans ma main
Que j’ai cultivée dans mon cœur
Maman m’a apporté de l’amour
Que mes regards
Ont transmis
À mon père.
Dans les écoles
J’ai eu des copains de classe
Et aussi des enseignants
Qui m’ont permis d’apprendre
À lire, à écrire et à apprendre
Avant d’accéder à l’information.
J’ai aimé les oiseaux
Je me suis entendu avec les fleurs
J’étais un bon ami
Des crayons et des livres
J’ai souvent dessiné
Mon milieu de vie
J’ai été un défenseur actif
De l’équilibre écologique.
J’étais petit
Tout petit
On a planté une rose dans ma main
Que j’ai cultivée dans mon cœur
(Mantes la Ville, le 14 mars 2004)
Je veux connaître les gens
Emmène-moi là-bas avec tes mains
Au moment où les peines familières
Gazouillent
Dans ces rues désertes
Je veux connaître les gens.
Avant que l’obscurité ne couvre
Et la fumée n,entoure
Mes yeux
Je veux connaître les gens.
Les gens d’une ville oubliée
Sont sur le point d’être enterrés
Dans les ténèbres
Ne reste pas là
Réveille les étoiles
Emmène-moi là-bas avec tes mains
Je veux connaître les gens.
Balayeur, mon frère
Frère balayeur,
Ne balais pas les espoirs
Tombés dans les rues
Tu sais,
Les larmes ne salissent pas
Les avenues
La plupart du temps
Les chagrins
Restent à l’intérieur
Des gens
Tu ne peux pas savoir
Leurs sentiments
Qui ne quittent pas chez eux
Les poubelles
Que tu vides
Depuis des années
Sont témoins de tes sentiments
Que ceux qui ne pensent
Qu’à leur estomac
Ne te chagrinent pas
Frère balayeur,
Surtout, ne comprends pas mal
Mes paroles
Mon but,
N’est pas de t’humilier
Il n’y a aucune différence
Entre toi et moi
Frère balayeur,
Ne balais pas les espoirs
Tombés dans les rues
Tu sais,
Les larmes ne salissent pas
Les avenues
(Paris, le 10 mai 1999)
Va-t’en maintenant… Reviens après
Ne reste pas plus longtemps devant mes peines
N’ébranle pas mes sentiments intimes
Dorénavant ne touche pas à mes idées
Ne ranime pas mes souvenirs
Laisse-moi seul
Va-t’en à présent…
Reviens plus tard!
Moi, je suis dépendant de ma solitude…
Je ne laisse pas autrui piétiner
Si facilement mon amour
Laisse-moi seul
Va-t’en à présent…
Reviens plus tard!
Moi, je suis habitué à l’ironie du ciel
Cela n’a aucune importance
Que je sois découvert dans mon sommeil…
Je grimpe moi-même sur mes arbres
J’arrose moi-même mes fleurs
Laisse-moi seul
Va-t’en à présent…
Reviens plus tard!
Ne reste pas plus longtemps devant mes peines
N’ébranle pas mes sentiments intimes
Dorénavant ne touche pas à mes idées
Ne ranime pas mes souvenirs
Laisse-moi seul
Va-t’en à présent…
Reviens plus tard!
La mer mauve
De toute ta vie tu n’as jamais vu
La mer mauve
Comme s’il a soif de mourir
Sur elle
Un oiseau piétine les flammes
Je n’ai pas vu non plus
À ce point
La résurgence du matin
Sur la mer mauve
Comme si des milliers d’espoirs
Vibraient sur elle
Mes yeux disparaissent
Dans les appels du lendemain
Un sursaut me secoue le matin
Avec les pleurs en face à face
Elle se repose
Et s’étend avec tous mes chagrins
Devant mes yeux
La mer mauve
—Üzeyir Lokman Çayci
(Ankara, le 6 juin 1979)
(tous les poèmes sont traduits du turc par Yakup Yurt)
Poèmes et essais en français de Edner Sait-Amour
Le romantisme
Dans l’espace de mon temps libre, j’ai toujours trouvé qu’il est amusant d’écrire des pages de poésie. Mais il arrive un moment qu’il me vient à l’esprit de me questionner sur l’acte d’écrire, à savoir pourquoi j’ai écrit et quelle est la valeur de ce que j’ai écrit. C’est à ce moment que je me suis résolu de donner un but à mon écriture afin de lui donner un certain relief. Il s’agit de comprendre et de se divertir, c’est-à-dire comprendre en se divertissant. Mais comment parvenir à divertir les gens quand certains se complaisent au malheur alors que d’autres se complaisent au bonheur. Dans cette alternative, j’ai opté pour le bonheur, conscients des conséquences qui peuvent s’en suivent. C’est par là que ma poésie peut être utile si les lecteurs se donnent soin de comprendre ce qui importe à travers ma poésie. Cette prise de position en faveur du bonheur marque une rupture avec la tendance fataliste de certains poètes qui se font des prophètes du malheur.
Dans la tentative de définir la poésie, un auteur a écrit: La poésie est impossible dans un contexte mécaniste où le corps est moins le signe de l’âme que l’instrument de la volonté et où l’univers dans son ensemble n’est qu’une gigantesque machine. «La poésie est le mode d’expression qui convient le mieux à la connaissance des choses essentielles: l’amour, la mort, Dieu, la joie, le malheur.» Chez les Grecs et les Romains de l’antiquité, savoir et sentir étaient indissociables. Hugo: Le poète est «une âme de cristal (…) une âme aux mille voix (…) Le poème s’adresse à la sensibilité, non au savoir (…) à l’imagination, non à la logique (…). L’espace et le temps sont au poète. Que le poète aille où il veut, en faisant ce qui lui plaît; c’est la loi. (…) La poésie n’est pas dans la forme des idées mais dans les idées elles-mêmes. (…) Le poète doit marcher devant les peuples comme une lumière et leur montrer le chemin. (…) II ne sera jamais l’écho d’aucune parole, si ce n’est celle de Dieu. (…) Si le poète doit choisir dans les choses (et il le doit), ce n’est pas le beau, mais le caractéristique. (…) Un poète est un monde enfermé dans un homme. (…) La poésie n’est pas un ornement; elle est un instrument. (…) La poésie est un monde enfermé dans un homme».
- Lamartine: «La poésie sera de la raison chantée… Elle sera philosophique, religieuse, politique, sociale… Elle va se faire peuple et devenir populaire comme la religion, la raison et la philosophie. (…) La poésie est l’émotion par le beau.»
- Musset: «Ah! Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie!»
En tant que poète la poésie romantique m’intéresse tout particulièrement parce que c’est le type de poésie qui s’adresse à l’âme. Le romantisme c’est l’expression et la confession par excellence de l’âme qui s’exhibe. Mais le lyrisme en tant qu’expression de l’émotion a deux versants.
- 1) Les émotions négatives telles que peine, douleur, souci, mélancolie, tristesse, chagrin, colère s’orientent vers le malheur ou la fatalité. Grâce au développement de la psychologie, on connaît les effets nocifs des émotions négatives sur le corps et l’esprit, sur la santé mentale et physique. Beaucoup de poètes qui ont emprunté la voie du malheur en mobilisant leurs émotions négatives meurent jeunes. On sait que grâce au progrès de la médecine, que les émotions négatives sont comme un poison pour l’individu. Elles affectent notre système immunitaire en l’affaiblissant au point de devenir très vulnérable aux attaques des bactéries, des microbes ou des virus. La fatalité est une ruine pour l’individu. C’est une tendance par laquelle l’homme vieillit. Chaque jour de tristesse est un jour qui se soustrait de la vie. Donc on peut parler d’un romantisme négatif.
- Les émotions positives telles que joie, allégresse, félicité, gaieté s’orientent vers le bonheur. Si les émotions négatives demeurent un poison pour l’individu, les émotions positives c’est comme l’hygiène mentale et physique qui ravive ou renforce le système immunitaire. Un sourire est très positif pour la santé mentale. On est plus optimiste, plus confiant face à la vie et cela a un effet positif sur l’individu. La mobilisation de nos émotions positives nous permet de rester jeune. On vit avec plus d’espoir. Ainsi on devient plus courageux devant les épreuves de la vie. Chaque jour de sourire, est un jour qui s’ajoute à la vie. Là on peut parler d’un romantisme positif.
NB, Je ne suis pas contre le fait d’écrire un poème qui porte l’empreinte du malheur, mais contre le fait de se positionner en faveur du malheur. Je suis contre le fait d’adopter une attitude fataliste dont les conséquences sont bien néfastes pour l’individu. Je peux comprendre la situation qui rend un individu triste, mais pas le désir d’épouser la tristesse, la mélancolie, de la faire sienne. Il faut l’assimiler sans être assimilé par elle. Il faut comprendre la tristesse, sans qu’elle nous comprenne. À l’occasion de la mort d’un proche, par exemple, on peut écrire sur le malheur, mais il faut que l’esprit du malheur ne nous possède pas, n’a pas le dessus sur le cours de notre vie, de notre destinée.
Le romantisme négatif s’annonce avec Jean Jacques Rousseau pour se généraliser notamment avec Alphonse de Lamartine, Victor Hugo et Alfred de Musset. Dans une ode tirée du cantique d’Ézéchias pour une personne convalescente Rousseau a écrit:
J’ai vu mes tristes journées
décliner vers leur penchant,
au midi de mes années
je touchais à mon couchant
Mon dernier soleil se lève
et votre souffle m’enlève
de la terre des vivants
comme la feuille séchée
qui de sa tige arrachée
devient le jouet des vents
Ainsi des cris et d’alarmes
mon mal semblait se nourrir
et mes yeux noyés de larmes
étaient lassés de s’ouvrir
Dans l’isolement Lamartine écrit:
De colline en colline, en vain portant ma vue
du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant
je parcours tous les points de l’immense étendue
et je dis: nulle part le bonheur ne m’attend
Quand je parcourrais le suivre en sa vaste carrière
mes yeux verraient le vide et les déserts;
je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire
je ne demande rien à l’immense univers
Quand la feuille des bois tombe dans la prairie
le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons
et moi, je suis semblable à la feuille flétrie:
emportez moi comme elle, orageux aquilons.
Dans le Vallon Lamartine écrit:
Mon cœur lassé de tout même de l’espérance
n’ira plus de ses vœux importuner le sort;
prêtez moi seulement, vallon de mon enfance
un asile d’un jour pour attendre la mort
Dans Tristesse d’olympio Victor Hugo écrit:
Ô douleur!j’ai voulu, moi dont l’âme est troublée
savoir si l’urne encor conservait la liqueur
et voir ce qu’avait fait cette heureuse vallée
de tout ce que j’avais laissé là de mon cœur
Dans Veni, Vidi, Vixi
J’ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
je marche, sans trouver de bras qui me secourent
puisque je ris à peine aux enfants qui m’entourent
puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs
Puisqu’au printemps, quand Dieu met la nature en fête
J’assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour
puisque je suis à l’heure où l’homme fuit le jour
Hélas! et sent de tout la tristesse secrète
Ô seigneur! ouvrez les portes de la nuit
afin que je m’en aille et que je disparaisse
Alfred de Musset dans L’heure de la mort:
L’heure de ma mort, depuis dix huit mois
de tous les côtés sonne à mes oreilles
Depuis dix huit mois d’ennuis et de veilles
partout je la sens, partout je la vois
Plus je me débats contre ma misère
plus s’éveille en moi l’instinct du malheur
et des que fais un pas sur terre
je sens tout à coup s’arrêter mon cœur
Ma force à lutter s’use et se prodigue
jusqu’à mon repos, tout est un combat
Et comme un coursier brisé de fatigue
mon courage s’éteint, chancelle et s’abat
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure
laisse la s’élargir cette sainte blessure
que les noirs séraphins t’ont faite au fond du cœur
rien ne nous rend si grand qu’une grande douleur.
Mes écrits se situent dans le souci d’aviser les poètes et les lecteurs sur les conséquences du romantisme négatif ou positif. Je ne peux pas forcer quelqu’un qui souffre d’être heureux. Mais du moins il faut espérer, l’espoir fait vivre. Si le romantisme négatif est associé à la crise d’existence, au mal de vivre, le romantisme positif peut nous porter à nous sentir bien dans notre peau. Savoir rester d’une âme forte, courageuse et jeune est l’un des buts que je vise à travers mes écrits, qui invitent le poète à cesser de se faire complice de la mort, de la fatalité, du malheur pour se faire allié de la vie devant laquelle il reste confiant.
J’ai écrit
Non je n’ai pas fait de la poésie
pour financer le train de ma vie
Rien contre ceux qui voient dans les vers
un moyen de gagner quelque salaire
2
J’ai écrit par simple amour
que je cultive à travers les jours.
J’ai écrit pour me distraire
j’ai écrit pour me plaire
3
J’ai écrit de ce qui m’attire
de ce qui m’inspire du plaisir
J’ai écrit de ce que j’adore
de ce qui est beauté ou décor
4
J’ai écrit aussi pour plaire
à ceux qui savent se taire
pour écouter ce qu’un poète dit
à travers les vers de sa poésie
5
J’ai écrit les vers de mes poèmes
pour dire tout ce que j’aime
surtout la beauté de la nature
à travers ce qui passe ou dure
6
Chaque strophe de poésie
est un moment de folie
bref un mode d’expression
pour sculpter une émotion
7
Même l’homme d’une âme sérieuse
qui mène un train de vie pieuse
a aussi son moment de folie
le contraire c’est de l’hypocrisie
8
Ce qui fait la différence
entre ces deux existences
est que le poète exprime ses émotions
alors que le pieux cache ses vibrations
9
Cela ne dit pas que le poète
que le pieux est plus honnête
Tout une question de philosophie
dans chacun des deux trains de vie
Principe de Sagesse
écrivain, poète comme poétesse
voici un principe de sagesse:
En écrivant vos rimes ou poèmes
n’attendez pas que tous vous aiment
2
Ce qui vous inspire du plaisir
à l’autre reste objet de déplaisir
En écrivant vos rimes ou poèmes
n’attendez pas que tous vous aiment
3
Même si vous vous comportez en mendiant
cela ne vous rendra pas plus charmant
En écrivant vos rimes ou poèmes
n’attendez pas que tous vous aiment
4
L’un vous aime pour un simple mot
l’autre vous hait pour ce même mot
En écrivant vos rimes ou poèmes
n’attendez pas que tous vous aiment
5
En tout vous trouverez des infidèles
dont les âmes resteront toujours rebelles
En écrivant vos rimes ou poèmes
n’attendez pas que tous vous aiment
6
Philosophie aussi bien que poésie
est occasion de conflit ou de délit
En écrivant vos rimes ou poèmes
n’attendez pas que tous vous aiment
7
Vos écrits entraîneront sans conteste
tant de fanatiques qui se détestent
En écrivant vos rimes ou poèmes
n’attendez pas que tous vous aiment
(Octobre 2006)
Message d’espoir
Nous vivons à l’ère du marché
Où tout se fait à la hâte
Pour mettre main à la pâte
Pas de temps pour se refaire la santé
2
En se perdant dans les tâches du travaille
l’homme démolit les forces de ses entrailles
Et l’humanité converge sans cesse
Vers un monde de dépression et de stress
3
On assiste à des crises d’existence
Qui répugnent à la convalescence
Des gens qui sont about de maux
Tant qu’ils se sentent mal dans leur peau.
4
Le temps importe beaucoup pour ces gens
Comme on dit: le temps c’est de l’argent
Mais pour continuer sans sombrer dans la fatalité
L’homme doit rester en parfaite santé
5
L’homme pour rester dans la course de l’âge
Doit s’armer toujours d’espoir et de courage
Mais il doit constamment renouveler son énergie
Pour rester dans le train mouvant de la vie
6
On ne peut rester à s’apitoyer sur son sort
En attendant le dernier jour de la mort
Tant de choses qu’on peut faire dans la vie
Pour améliorer le fond de notre cœur endolori
7
Mes vers de mes poèmes s’adressent
À ceux qui sombrent dans la détresse
J’aimerais fait pousser dans leur esprit
Que malgré les remous tout n’est pas fini.
8
Si l’on confie à l’émotion dans sa splendeur
On peut encore aspirer à quelque bonheur
La vie est tellement un bien précieux
Qu’il vaut la peine d’être heureux
Contre la fatalité
Je ne crois pas que la foi dans la souffrance
contribue à garantir une meilleure existence
La croyance dans la fatalité est une ruine
vers laquelle le train de la vie s’achemine
Je ne crois pas que la foi dans la mélancolie
contribue à garantir une meilleure vie
La croyance dans la fatalité est une ruine
vers laquelle le train de la vie s’achemine
Je ne crois pas que la foi dans la douleur
contribue à garantir des moments de bonheur
La croyance dans la fatalité est une ruine
vers laquelle le train de la vie s’achemine
Je ne crois pas que la foi dans la tristesse
nous promet l’asile dans une forteresse
La croyance dans la fatalité est une ruine
vers laquelle le train de la vie s’achemine
Monter abord de la barque du malheur
ne promet pas de passer de meilleures heures
se confier se livrer aux étreintes de la mort
ne promet pas de garantir un meilleur sort
Je crois que les émotions négatives
se mouvant toujours sur des notes plaintives
diminue la longueur de notre temps
que nous avons à passer sous le firmament
Quelque soit la nature de son sort
l’homme doit rester confiant et fort
pour traverser la tempête qui nous secoue
en bousculant les obstacles présents devant nous
C’est grâce à l’usage des émotions positives
dont nous suivons le parcours dans les rives
que nous réussirons à mieux vivre en santé
que notre vie s’améliorera en qualité
Je peux comprendre la situation qui rend triste
mais je ne peux comprendre le désir d’être triste
La vie est tellement un bien précieux
je pense qu’il vaut la peine d’être heureux
Se rassurer
Que la vie est faite de victoire ou déboires
l’homme quel qu’il soit doit vivre avec espoir
il doit pouvoir toujours guider sa destinée
sans être soumis au gré de la fatalité
2
Oui! l’homme n’est assuré qu’une seule chose
sur les vivants la mort toujours s’impose
Et notre vie se réduit à un infime lambeau
qui se transforme en poussière au tombeau
3
Oui! le temps qui coule est une ruine
vers laquelle tout qui vit s’achemine
Le printemps offre un spectacle merveilleux
mais tout doit disparaître sous nos yeux
4
Tout ce qui est animé d’une étincelle de vie
doit subir le joug inflexible de l’entropie.
Selon la loi qui veut que tout qui vit périt
l’homme ne voyage que pour un bref séjour
5
À travers le temps qui coule sans nombre
apprenons l’art de bien tirer avantage
de la chute éternelle des êtres dans l’âge
où tout finit par se reposer dans sa tombe
(Décembre 2006)
—Edner Sait-Amour
Poèmes de Tontongi
Le petit dictateur
Quand un petit dictateur, pervers paranoïaque
Expulse, bâtonne, emprisonne, humilie ou tue
Toute âme vivante qu’il disait l’emmerder
Il se croit sincèrement dans son moi estropié
Capable d’expulser, emprisonner et éliminer
Tout le peuple frustré qui veut le déchouquer.
Quand un petit dictateur et sa garde prétorienne
Exilent, répriment, saccagent, maltraitent ou tuent
Toute voix révoltée humiliée qui demande justice,
Qui leur dise de foutre le camp avec femmes et enfants
Ils se croient sincèrement à vie pour dix mille ans,
Oubliant de feuilleter un simple manuel d’Histoire.
Quand un petit dictateur et ses tueurs mafiosi
Accaparent sans gêne le patrimoine sacré
Par le feu, par le sang pour en faire un enfer
Ils se croient investis d’un pouvoir invincible
Capable de diriger le vent même de l’Histoire:
Pourquoi par la sagesse ne se suicident-ils pas?
Quand un petit dictateur et sa clique de salauds
Qui par défaut d’êtres plus vilains qu’eux-mêmes
S’emparent sans vergogne de la magistrature d’État
Vous faisant croire qu’ils sont vos Bons Sauveurs,
Ne manquez pas de leur dire d’aller se faire chier
Au diable ou n’importe où mais loin de votre vue.
Quand un petit dictateur ou tout sot démagogue
Vous redisent et redisent que l’aube est imminente
Et que par la magie de leur bassesse d’esprit
La lueur démocratique va briller dans votre vie,
Demandez-leur qui leur donne cette noble permission
De se mêler ainsi en intrus de vos affaires d’État?
Quand un petit dictateur et son Tonton Sam Sangsue
Veulent vous dire comment vivre entre vous-mêmes
Sans qu’il leur saute aux yeux malgré leur perfidie
Qu’ils sont la cause première de vos difficultés,
Demandez-leur dans une voix simple et chaleureuse
S’ils ne voient pas que vous allez koupetètboulekay?
(Septembre 1987)
La Carmenia
Elle portait sa détresse du vécu
illuminée dans une sorte de grâce triste;
ses yeux clairs et remuants, plongés dans l’intensité
de la merde sociale, reflètent l’élégance.
Ô, combien elle était saccagée, la Carmenia!
Pourtant elle demeura même épuisée la folie indomptée;
défiante et révoltée elle enjambait les lacs de Boston,
ses environs et les océans et mille lieux de calamités
pour maintenir ce qu’elle appelait sa fierté menacée
son orgueil organique quand bien même désolée,
son essence qu’elle gardait
heureuse de son propre défi!
son défi et désir
son petit goûter à la liberté.
Sur son chemin fait d’hécatombes les obstacles
ne cessaient de s’allonger en cauchemars quotidiens;
ses trois enfants devenaient ses talons d’Achille
dans le vaste combat contre l’abêtissement—
ils étaient aussi la semence de sa régénération;
tombés malgré eux au milieu d’un conflit
entre leur chair et leur sang et leur épanchement
ils jouèrent le jeu tragique; le garçon somnambulant
dans une pathologie du refus qui inquiétait tout le monde:
il mangeait à vingt-deux heures
faisait la télé toute la nuit
et dormait la journée à l’instar de la chauve-souris;
ses grands rires étaient aussi beaux qu’effrayants
dans leur franche candeur pour mieux semer le doute;
il voulait rendre la vie difficile pour mieux la décoder.
Ses deux filles innocentes dans un monde tourmenté
vivaient la tragédie comme une belle comédie;
elles ne s’arrêtèrent pas d’être enfants
même quand par leur simple candeur elles jugeaient
les manquements et tracasseries d’un monde déterminé
par les données fichées de l’Assistance sociale.
Elle fut battue et méprisée, la Carmenia,
dans l’orbite machismo tout au long de sa vie;
ses escapades vers l’Étoile du Nord
au milieu de l’angoisse quand cherchant le réveil
constituèrent sa plus grande révélation de sa liberté!
Elle parcourait l’Inter-State et s’échouait à Hull
une enclave endormie perdue dans la mer;
pourtant elle restait encore tête dressée, la Carmenia,
pour confronter le néant avec la sagacité du soleil.
Je l’aimais fou, la Carmenia,
d’un amour fait de solidarité
la présence du beau dans la laideur;
ses beaux yeux reflétaient la confiance
dans une âme autre et pure représentant autre chose
ou une non-chose imperméable à la fluidité du Cosmos;
je l’aimais fou, la Carmenia,
et nous ne pouvions même pas le dire.
(juin 1994)
Gaza, Haïfa et Qana
(dédié à toutes les victimes de la guerre hégémoniste d’été 2006 au Moyen-Orient)
Jamais dans mon siècle
ne pensai-je un jour
en ce jour-ci et là
devenir si intimement
un témoin oculaire de l’horreur.
Mon propre tyran, c’était longtemps
Hitler était englouti sous les décombres
les crémations ont été vérifiées
et avilies comme un malheur.
L’Olympique à rebours
la dissuasion qui en a las
un coup de poing
je vous coupe le bras
si vous osez tirer un fistibal
je vous descends avec mon Uzi neuf
si vous utilisez un Qualiskosov
mes blindés cracheront un tonnerre
une roquette, c’est une autre histoire
votre destruction doit être complète
terre renversée et villes aplaties
fresques sortis droit de l’enfer
la douleur et la souffrance objectifiées.
Pire qu’un simple concept
c’est la réalité de Qana
le peuple était en deuil
en détresse et en stress.
Pire qu’une tragédie
c’est la désolation de la gloire
Nasrallah devenait le héros
le nouveau Saladin
conscience violentée
et humanité dénaturée
dignité regagnée
ou paix de cimetière.
Pire qu’une grande perte
c’est la misère du rêve d’être
l’Occident souffrant du malaise
le grand vide de l’émoi régnant
la Révolution devenant aspirine.
Et les pleurs, dites, les pleurs
le grand chagrin qui détruit l’épanchement
les missiles qui tueront pour longtemps
l’odyssée, nous en ferons une leçon
une grande sagesse pour bien vivre
la gloire d’être.
Ils vivent encore, les peuples
même après le désastre
les roses redéploieront leur charme
un autre enfant sourira avec joie.
Ils étaient malheureux
les combattants éperdus de la folie
leur gloire, ils la savent illusoire,
ils étaient aussi heureux, disaient-ils,
leur perte étant la récompense de l’être.
La fille violée, ange incomprise
encore garde tout ce qui fut elle
ses ravisseurs la gardent toujours
mais elle fixe l’horizon infini
le grand cri de conscience.
Gaza, on en a las
fatigue d’empathie
au-devant du sang vif
à Haïfa innocents comme coupables
meurent pour le crime des autres.
Nous tuons par la peur et la haine
l’angoisse face à un matin sans du pain
pour le maintien de la réalité
la sagesse face à l’ordre, le confort;
on nous a conditionnés, animaux incompris,
pour acquérir la terre
et vivre comme une névrose
nous tuons
par l’ennui
par la paresse et la myopie
pour survivre dans l’infinité
pour boire le vent impossible
et chier le monstre sacré!
Nous tuons
parce que nous en avons les moyens
Air Force comme métaphore
du grand Dieu qui détruit et console;
nous sommes les maîtres du lieu
et avons total contrôle sur l’âme
et la Bourse
et les faiseurs de bonheur
nucléaire et whatever.
Nous sommes les juges
et les complices du crime
le fripon qui sauve l’authenticité.
Gaza, Haïfa et Qana et Tyre,
rêve et vivacité pour un demain meilleur
victoire des peuples en lutte;
la souffrance est universelle,
globale échéance, sommes nous,
malheureux objets du destin.
Tu survivras, ô Liban
comme tu as survécu des millénaires
avant Charlemagne, Alexandre,
Napoléon, Empire Ottoman et Sharon;
tu survivras à la fois les missiles
et la réalité détournée
et la conscience ajustée à la peur
l’absurde présenté comme la vie
le vide d’être.
Tu survivras aussi, Haïfa,
parce que tu as vécu pire tragédie
que la duperie des petits comités de belliqueux,
tu as vécu d’amples mauvais temps de malheurs,
comme Gaza humiliée, maltraitée, écrasée,
judoka de la perdition qui reprend son souffle,
toujours amante de l’espoir.