Je dédie le suivant poème à Paul Laraque et je le publie ici pour marquer le dixième anniversaire de sa mort, survenue le 8 mars 2007, à Mount Vernon, New York. Le poème est une remémoration d’une visite que je lui ai rendue au Centre de convalescence à Queens, New York, où il séjournait suite à la deuxième d’une série de crises médicales qui l’amènera éventuellement au trépas. Il me manque encore et il manque à nous tous qui admirons sa combativité inébranlable contre l’oppression du tiers-monde et celle d’Haïti en particulier, pour la libération de laquelle il avait consacré—avec son frère et alter ego Franck Laraque—la plus grande partie de sa vie.
Paul Laraque dans une photo publiée sur la couverture du livre collectif qui lui est consacré, Éclaireur de l’aube nouvelle.
Finalité et coups de la décrépitude
Tu voulais t’en aller
et puis le miracle s’accomplit
tu refusais de vivre
et on t’offrait la vie sans refus
tu voulais rejoindre le grand drame
revivre ta rencontre de jadis avec ta Mamour,
ce cœur tendre pour lequel tu vivais.
Tu voulais t’en aller
et on t’offrait la contingence
les rêves perdus dans l’ennui ;
tu voulais t’en aller
rejoindre Lorca, Roumain et Éluard
et on t’offrait la vie dans un cimetière
ou dans un coin de Queens perdu.
Tu voulais t’en aller
et voulais aussi rester
pour déconstruire l’impensable
dire la vérité de l’être
le grand défi pour sauver l’humanité.
Tu voulais t’en aller
et les camarades te disent qu’il faut rester,
parce que c’est pas un bon moment de t’en aller ;
rester un tout petit moment encore
pour faire entendre ta voix de clameur téméraire
trublion des temps dits révolus
tu demeures un grand acquis pour vaincre
des millénaires d’angoisse accablante.
Pourtant nous bénirons ton départ
parce que demain l’éclosion s’amènera
avec une nouvelle vivacité,
la joie sera récréée même dans la peine
et la lutte renouvelée pour changer la vie.
Tu peux t’en aller
et nous te reverrons pas trop longtemps
le rendez-vous au grand large est à l’aube
même après la déchéance du corps.
Il est difficile de s’en aller, je le sais,
et ce n’est pas ta faute mon ami ;
vas t’en jusqu’au bout de la route
tu as déjà conçu l’aurore
et posé la question nécessaire
—oui, tu peux t’en aller
le rendez-vous est à demain.