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Déconstruire Édouard Glissant et René Depestre:

Questions sur la «créolisation»

—par Tontongi

Dans le chapitre «La problématique et son historique» de Critique de la francophonie haïtienne, mon ouvrage en préparation, j’ai critiqué à la fois le rôle de «matière brute» assigné au créole dans la relation de force qu’il entretient avec le français, et aussi les préjugés de toutes sortes qui retardent l’épanouissement de l’écriture en créole par les écrivains antillais. Maintenant, je veux analyser l’autre grande figure—après Aimé Césaire et ses disciples théoriciens Jean Bernadé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, auteurs du livre collectif Éloge de la créolité—du mouvement littéraire dit «créolité» en Guadeloupe et en Martinique, le Martiniquais Édouard Glissant. Poète, romancier, dramaturge et essayiste, Glissant a écrit une œuvre riche à la fois en volume et en thématique. Presque toute la base théorique et l’intuition thématique de l’influent manifeste Éloge de la créolité sont tirées de ses réflexions sur ce qu’il appelle la «totalité-monde», le «chaos-monde» et la «créolisation.»

Partant de la certitude que «l’écriture c’est le signe de l’unicité et du divin», Glissant a élaboré une très éloquente théorie de la «créolité» ou «créolisation» définie non comme les Haïtiens généralement l’entendent, c’est-à-dire la reconnaissance et la valorisation de la composante africaine de la culture et langue créoles, mais selon plus ou moins l’ancienne acception coloniale signifiant tout ce qui est né dans les colonies françaises de la Caraïbe et sa résultante: «Quand je dis “créolisation”, explique-t-il, ce n’est pas du tout par référence à la langue créole, c’est par référence au phénomène qui a structuré les langues créoles.» Il précise: «Le monde se créolise, c’est-à-dire que les cultures du monde mises en contact de manière foudroyante et absolument consciente aujourd’hui les unes avec les autres se changent en s’échangeant à travers les heurts irrémissibles, des guerres sans pitié mais aussi des avancées de conscience et d’espoir.» «Ma langue, poursuit-il quelques pages plus loin, je la déporte et la bouscule non dans des synthèses, mais dans des ouvertures linguistiques qui me permettent de concevoir les rapports des langues entre elles aujourd’hui sur la surface de la terre—rapports de domination, de connivence, d’absorption, d’oppression, d’érosion, de tangence, etc.1»

Glissant distingue deux «formes de cultures», d’un côté les cultures qu’il appelle «ataviques» (celles qui s’attribuent une genèse et une filiation linéaire) «dont la créolisation s’est opérée il y a très longtemps», de l’autre côté les cultures «composites», «dont la créolisation se fait pratiquement sous nos yeux», le nouveau projet qu’il a pour le créole participant à ces dernières, adoptant entre-temps une nouvelle définition de l’identité «non plus comme racine unique mais comme racine allant à la rencontre d’autres racines», écrit-il. Pour lui «la véritable genèse des peuples de la Caraïbe, c’est le ventre du bateau négrier et c’est l’antre de la Plantation2», non pas la préhistoire des Arawaks décimés et des Africains «transbordés»—oubliant pour le besoin de sa formule qu’il y a, en fait, une double filiation entre d’une part l’histoire passée des Africains vendus en esclavage dans les Caraïbes, le génocide des Arawaks et les conquêtes coloniales en général, et de l’autre part, l’histoire présente de la domination occidentale sur les autres peuples et l’aliénation culturelle qui en résulte. Toujours est-il, pour l’instant, Glissant place l’«identité-relation» à la base de sa théorie de la créolisation; il l’a même parée de beaux idéaux métaculturels, avec l’ambition de changer l’aliénation culturelle engendrée par le fait colonial…

À vrai dire, magicien des métaphores poétiques et brasseur des concepts de choc, Glissant croit dépasser la problématique français-créole en énonçant une théorie inédite de l’écriture qu’on nommerait pluri-lingue, affirmant qu’il écrit non pas dans une langue avec ses spécificités établies mais dans un rituel d’ensemble, «en présence de toutes les langues du monde.» Il cite Alejo Carpentier qui lui a dit un jour: «Nous autres Caraïbéens nous écrivons en quatre ou cinq langues différentes mais nous avons le même langage.3» Plus loin, il a émis le vœu que «toutes ces langues s’entendent à travers l’espace aux trois sens du terme entendre: qu’elles s’écoutent, qu’elles se comprennent et qu’elles s’accordent.» D’où sa notion de la relation, une sorte de symbiose ontologique où toutes les langues se joignent dans un nirvâna libérationnel que Maryse Condé aura subséquemment transformé en une théorie du métissage culturel universel.

Créolité anti-créole

Glissant est pourtant, sans nul doute, l’un des rares écrivains contemporains de la région à faire une analyse en profondeur de la problématique culturelle antillaise. Dans son influent ouvrage, Le Discours antillais, il a très lucidement observé ce qu’il appelle le processus de «dépossession» de l’Antillais par le régime colonial, déconstruisant nombre de mystifications «déculturalisantes» de celui-ci tant dans la monopolisation des techniques et machines de production, la structuration d’un mode eurocentriste d’insémination de la connaissance, que dans les modalités de l’infériorisation de la langue et culture créoles des Antillais. Cependant la sévérité et la pertinence de son réquisitoire ont abouti à une sorte de non-lieu, de par son refus d’aller jusqu’au bout de sa logique.

S’agissant de la langue créole en particulier, à lire Le Discours antillais on sent Glissant confronté à un difficile effort pour «transcender» une contradiction de base qui, à temps, ronge sa lucidité. Lisons ses réflexions sur le créole martiniquais, qu’il parle à la maison: «La langue maternelle est indispensable dans tous les cas à l’équilibre psychique, intellectuel et affectif des membres d’une communauté. Si l’on continue à contraindre l’enfant martiniquais à subir une vie-en-français à l’école et à mener une vie-en-créole dans son milieu, on renforcera le processus d’irresponsabilité collective qui frappe la communauté martiniquaise.» Disant de l’écriture de la langue d’un peuple qu’elle est son «acte dans le monde», il est catégorique dans la défense de l’écriture créole: «Un peuple qu’on réduirait à la seule pratique orale de sa langue serait aujourd’hui (et quoi que nous pensions de l’illégitimité d’une telle fatalité) un peuple voué à la mort culturelle, laquelle n’est jamais que le blême reflet d’une agonie autrement réelle.4» Mais dans Introduction à une poétique du divers, publié des années plus tard, Glissant semble relativiser cette «agonie autrement réelle» parce que, écrit-il, la domination de la langue créole par la langue française «est une domination au second, voire au troisième degré dans la tragédie mondiale des langues.» Les Antillais devraient donc être heureux que le colonialisme français n’eût pas tout simplement exterminé le créole, et eux avec lui!

Dans un entretien dans ce livre, son interlocuteur, Gaston Miron, lui demande directement: «Ce n’est pas seulement le poète qui peut sauver une langue. Concrètement, qu’est-ce qu’on peut faire? Je lisais dans Le Devoir dernièrement que près de douze mille langues sont parlées dans le monde [aujourd’hui], mais que d’ici trente ans à cinquante ans il n’y en aura [que] plus que six mille; la moitié de ces langues vont disparaître, c’est sûr. Qu’est-ce qu’on peut faire? C’est un appauvrissement de l’imaginaire effarant!» Glissant ne répond pas directement à la question spécifique posée par Miron; de préférence il fait un long exposé sur ce qu’il appelle les «deux ordres de questions», la question des combats quotidiens, spécifiques, des peuples, et la question des combats «dans un contexte mondial… [pour] renverser la vapeur poétique, contribuer à changer la mentalité des humanités.» Il croit «l’artiste» mieux placé pour mener ce combat:«les plans sur la comète commencent à faillir et qu’il faut commencer à lever l’imaginaire [du monde].5»

Contre le présent hégémonisme de l’anglo-américain, que Glissant semble réprouver, son premier cri de cœur est d’appeler à la main-forte entre français et créole: «Dans la tragédie mondiale des langues, ici la langue française et la langue créole sont finalement solidaires.» Pourquoi, de préférence, ne pas appeler à une mobilisation pour la défense du créole, la langue qu’il estime, à juste titre, menacée de disparition? Il faut bien assumer que des six mille langues qui auront survécu l’hécatombe, le français sera assurément parmi elles, étant donné qu’il est l’une des dix langues les plus dominantes d’hier et d’aujourd’hui.

En fait, parlant de comète, la réponse visionnaire de Glissant à une question si dangereusement urgente (la disparition de la langue créole), fait plutôt penser à cette image de l’astronome, télescope à la main, qui contemple la splendeur des mouvements des corps célestes sans se rendre compte que l’échelle craque sous ses jambes. Avec sans doute la différence que, pour Glissant, l’effondrement de l’échelle ne sera pas tout à fait catastrophique: il a des assurances trans-frontières en tant que grand écrivain francophone.

Pourtant Glissant est bien conscient de la problématique. Il questionne le dualisme réducteur du dictum de Jean-Jacques Rousseau que «l’on rend ses sentiments quand on parle, et ses idées quand on écrit», critiquant Césaire qui aurait déclaré un jour: «Chez moi, tout discours est affaire de réflexion, c’est une œuvre conceptuelle, alors il faut que je le fasse en français. Voyez-vous, le créole c’est la langue de l’immédiateté, la langue du folklore, des sentiments, de l’intensité.» Il a critiqué Césaire, parce qu’il croit, lui, Glissant, que: «une langue dans laquelle un peuple ne produit pas est une langue qui agonise.» Tout le cœur de Glissant est du côté de la tragédie antillaise, du côté des peuples subjugués, de leur angoisse, leurs déboires, leurs espoirs; il plaint le sort du créole, lamentant sa situation de «langue façonnée par l’acte de colonisation, maintenue dans un statut inférieur, contrainte à la stagnation, contaminée par la pratique valorisante de la langue française, et en fin de compte menacée de disparition.» Il semble pourtant trop enclin à accepter cette disparition comme un fait du destin, chantant presque son requiem à l’avance: «Si l’éventuelle disparition du créole [martiniquais] avait correspondu à une évolution «naturelle» et non à une spoliation aussi brutale qu’insidieuse, cette disparition n’eût pas posé problème.»

Certes. On aurait toutefois espéré que devant le danger de l’«imminente disparition» du créole Glissant lancerait un appel à la résistance, comme on s’y attendrait d’un maître-penseur influent qui s’inquiète de la disparition de sa langue maternelle. Il n’en est rien; de préférence, il évoque les grands principes sur l’écriture en général: «L’audace d’expression est le signe de l’audace historique»; il demande qu’on dépasse, comme par la magie, les notions du parlé et de l’écrit «ou plutôt les intégrant l’une à l’autre dans un contexte futur, de penser le problème de l’expression des peuples dans le cadre du multilinguisme.» Loin de prendre ses propres responsabilités dans la lutte pour l’écriture créole, il blâme tour à tour la technologie audiovisuelle, les «jeunes auteurs ou chercheurs» et «l’établissement littéraire [qui] stagne dans l’indifférence confortable de l’élitisme institutionnel.»

À la question de savoir pourquoi, lui, il n’a rien écrit en créole, il répond: «C’est une question de génération: peut-être que si j’avais vingt ans aujourd’hui [1995] je commencerais par écrire en créole.» Mais il tire une certaine fierté d’avoir exercé des influences sur le mouvement créole; il rappelle, avec un sentiment d’autosatisfaction évident, une «anecdote», qui n’est rien d’autre qu’un compliment que lui a fait un jour un écrivain antillais: «Si tu [Glissant] n’avais pas, avec d’autres, bousculé, perturbé, démantelé la langue française dans tes ouvrages, peut-être que nous n’aurions pas osé écrire en créole parce que nous aurions toujours été frappés de stupeur à l’idée de “dérespecter”, comme on dit chez nous, cette langue française.» C’est peut-être vrai; mais c’est tout de même bien bizarre que le mouvement qui préconise la «créolité» ait attribué l’essentiel de ses thèses à Césaire et Glissant, deux écrivains martiniquais qui n’ont rien écrit en créole. Glissant le trouve très logique: «La créolisation de la langue française [qu’il aurait opérée dans ses œuvres] accompagne la libération de la langue créole», conclut-il6.

Nous la trouvons malhonnête la réponse «si j’avais vingt ans…» qu’a donnée Glissant concernant son choix d’écrire uniquement en français. À l’époque où il a proféré cette réponse (1995?) il était toujours très actif intellectuellement (comme il l’est encore d’ailleurs aujourd’hui) dans les grandes questions politiques et culturelles qui agitaient la conscience du monde, prenant des positions tranchées dans les grands débats sur la chose publique, écrivant et préparant (en français) des œuvres pour la publication future. De plus, treize ans auparavant, en 1981, quand il publiait Le Discours antillais, il était déjà très imbu de la problématique du créole, appelant pour une créativité stylistique dans l’écriture du créole, déplorant, à juste titre, le charlatanisme et le parler «petit nègre» de certains écrivains créolophones. Il s’était posé lui-même la question: «Pourquoi ne pas produire tout de suite et sans réserve en créole?», à quoi il avait répondu que, faute d’un «consensus collectif», l’écriture du créole «risque d’égarer aux fatalités d’un folklorisme d’autant plus naïf qu’il donne bonne conscience.» Là déjà il passait la responsabilité aux «enseignants, les militants politiques, les sociologues, les linguistes…7» Pas les écrivains. Pourquoi pas?

Au juste, ce qu’a entrepris ici Glissant, c’est de faire d’un choix personnel une théorie générale de l’écriture: «La langue créole qui m’est naturelle vient à tout moment irriguer ma pratique écrite du français, et mon langage provient de cette symbiose, sans doute étrangère aux ruses du panachage, mais voulue et dirigée par moi.» Le seul rôle qu’il semble assigner à l’écrivain, c’est de «déconstruire la langue française dont il/elle use (et qui est une des données de base de la situation).» On ne voit tout de même pas pourquoi la «fonction de chercheur et d’explorant» qu’il concède à l’écrivain devrait-elle, en principe, comme l’affirme Glissant, l’«isoler» du «langage actuel» des masses? Au contraire.

Or, Glissant était au courant des efforts en cours à l’époque pour structurer et valoriser la langue créole, y compris des propositions sérieuses sur la meilleure manière de l’écrire, et aussi des requêtes et encouragements adressés spécifiquement aux écrivains antillais (Haïti, Guadeloupe et Martinique en particulier) pour écrire aussi dans le créole. En fait, dans Le Discours antillais, Glissant a lui-même présenté des propositions spécifiques sur la meilleure manière d’écrire le créole et sur le nécessaire travail de rapprochement comparatif des différents créoles de la région: «Un des avantages de la tentative de fixation du créole est de conduire à dresser le tableau comparatif des rencontres et des variantes entre ses dialectes, et par conséquent de coordonner les efforts et peut-être de dégager les règles générales d’une part et des données particulières de l’autre.» Il mentionne les travaux de chercheurs et d’écrivains comme Albert Valdman, Jean Bernabé, Maurice Bricault, Ina Césaire, Bebèl-Jislè, le groupe Kima-foutiésa, Axel Gauvin, Raphaël Confiant, etc. En résumé, le vrai projet de Glissant, on le décerne presque à la fin de Discours Antillais, dans le chapitre «Langues, langage», quand il dit, s’adressant à un contradicteur présumé: «Il ne s’agit pas de créoliser le français, mais d’explorer l’usage responsable (la pratique créatrice) qu’en pourraient avoir [du créole] les Martiniquais.8»

C’est regrettable que Glissant n’ait jamais dépassé cette conception «utopique» de l’acte d’écrire et de la mission—plus précisément la «non-mission» de l’écrivain qui devient, par un acte du Saint Esprit, une sorte d’alchimiste qui mélange les langues pour créer la pierre philosophale, mais «sans se croire, sur un mode messianique, le porte-parole de qui que ce soit.» Nous sommes tout à fait d’accord avec lui qu’en dernière analyse, c’est éventuellement la volonté collective des peuples, «une révolution dans les mentalités en même temps que dans les structures» qui mettra en œuvre «les conditions économiques, sociales et politiques du développement de la langue [créole]9». Mais nous ne croyons pas que cela puisse se faire sans aussi la production dans l’écriture créole d’œuvres de valeur par les écrivains respectés de la communauté.

L’arrogance de Depestre

À sa décharge, au moins chez Glissant on sent un certain «mal à l’aise» vis-à-vis de sa faillite d’écrire en créole; tandis que chez René Depestre—un autre grand poète antillais (haïtien) qui glorifie la créolité comme une abstraction sentimentale et inconséquente—, cette lacune est élevée comme un choix idéal, un avènement positif, voire un point d’honneur.

Dans un dialogue de son essai-mémoire, Le métier à métisser, publié en 1998, quand Lucienne Serrano lui demande: «Pour qui écrivez-vous?», Depestre très subconsciemment, interprète la question comme signifiant: «Dans quelle langue écrivez-vous? ou Pourquoi écrivez-vous en français?» Il répond avec un détour étudié: «Je ne sais pas; là encore je dois faire état de ma condition d’Haïtien: on n’a pas un public national étant donné que 85% des Haïtiens sont analphabètes. J’écris en français, et même si j’écrivais en créole, je ne toucherais pas pour autant un public haïtien.10»

Pour Depestre, la question du choix de langue est totalement hors du sujet, comme on dit, parce que le fait même d’écrire est une «fête créole.» Il dit carrément: «La question du créole qui occupe tant les esprits en Haïti, qui fait l’objet de tant de débats (souvent dogmatiques et stériles), ne pose pas de problème pour moi. Ce qui est important dans cette affaire, c’est la créolité (son italique) qu’on porte en soi.»

En outre, Depestre semble tirer une particulière fierté d’être naturalisé français; les accents qu’il emploie pour parler de sa nouvelle patrie sont très émouvants, si tant qu’à un point de ma lecture du livre je me surprenais à admirer sa candeur à parler avec tant d’effusion de son amour pour une insignifiante bourgade française, que j’attribuais, à vrai dire, à une preuve de sa liberté intellectuelle. Cependant, quand il cherche à déprécier l’importance de la question du choix d’écrire en français plutôt qu’en créole par des formules creuses du genre l’«osmose secrète entre la langue créole et la langue française, etc.» qui s’opérerait en lui, je trouve sa désinvolture fort insupportable, et sa francolâtrie embarrassante…

Naturellement, à l’instar de ses co-religionnaires de la créolité (Césaire et Glissant en particulier), Depestre trouve les mots justes pour exprimer son état d’âme: «Le créole sert de support intime à chaque mot français que j’emploie», affirme-t-il, ou encore: «[pour moi] entre le cœur originaire du Sénégal et les mots de Marianne, il y a une sorte de commerce secret qui établit un modus vivendi fécond entre les mots chez soi “nègre” et les mots du chez autrui “blanc-français”11»; il cite Glissant qui a parlé de «compromis historique» entre la France et l’Afrique. Compromis historique? Je ne savais pas que le colonialisme et sa résultante étaient le fait d’un compromis historique entre les opprimés et les oppresseurs!

De fait, ces sortes d’épanchements, malgré leur valeur oratoire, handicapent l’éclosion de la langue et de la culture proprement créoles parce qu’ils pérennisent le mirage que le rôle de «matériau d’alimentation» ou de matière brute assigné à la langue créole lui est très équitablement dévolu et qu’on n’a rien à se plaindre puisque ce rôle lui permet le «frottement» avec la grande culture française. Ainsi, la zombification du créole continue pour de bon.

C’est tout de même bien décevant que le poète qui a inauguré sa carrière d’écrivain par un recueil de poèmes qui appelait pour le combat contre la tyrannie et l’obscurantisme en soit arrivé là—un appel qui a très directement contribué au déclenchement d’une grève générale qui renversait le régime néfaste d’Élie Lescot en 194612.

À la fin, je reste partagé entre l’impulsion à le condamner comme traître, et l’acceptation de sa liberté, son droit au confort d’être qu’il dit ressentir en Lézignan-Corbières, une bourgade de la France profonde. Partagé le suis-je, entre la désolation de voir le triste et pathétique aboutissement d’un homme qui fut un temps libre et fier, et qui fit son métier de lutter contre l’aliénation, qui en outre reste encore—Dieu merci!—un grand écrivain, et sa condamnation pour lâcheté et «abandon de personne en danger». La liberté, dit Sartre, c’est le droit d’un homme de dire et de faire ce qu’il veut, y compris s’aliéner dans un petit faubourg du nom bien évocateur de Lézignan-Corbières.

Son exil définitif d’Haïti en 1959 et son séjour à Cuba (après le retour au pays en 1957 suite à son premier exil en 1947), dû essentiellement à son opposition de plus en plus irréconciliable à la dictature de Papa Doc, l’auront placé durant l’apogée de la guerre froide dans le camp de la gauche communiste internationale, devenant un chantre acclamé également par le mouvement négritude, le mouvement d’affirmation nègre dans les lettres, et les révolutions prolétariennes du tiers-monde.

Un grand choc d’émoi semble avoir perturbé l’assise affective et idéologique de Depestre durant le début et le milieu des années soixante-dix, commencé tout d’abord par une attaque contre Cuba socialiste, le pays qui l’accueillait à bras ouverts seulement quelques années plus tôt. Pour une raison ou pour une autre, cette dénonciation de Cuba par Depestre aura fatalement initié sa perte dans l’insignifiance. Sous l’influence néfaste des «nouveaux philosophes» de Paris qui occupaient le pavé à l’époque, il prêtait sa voix à la vague anti-communiste à la mode qui séduisait l’intelligentsia superficielle parisienne, et qui se révèlera à la fois de courte durée et discréditée.

Aujourd’hui s’avouant vaincu, Depestre déclare: «J’ai dû, dans la douleur et la révolte, écarter énergiquement de mon horizon psychologique à la fois l’idée de révolution et l’idée rimbaldienne de changer la vie.» C’est bien triste! À soixante et onze ans en 1998, date de cette citation, il s’estime vieux, et veut simplement «changer en flambées d’invention le tumulte vital que j’ai derrière moi. Pour cela j’ai besoin absolument de rester bien à l’écart des revues, des colloques, des vains débats qui contrarient ma solitude.» C’est dire que j’étais for ravi d’entendre parler de lui, cinq ans après cette citation, dans une courte allusion par Fleurimond Kerns dans un reportage dans l’hebdomadaire Haïti-Progrès sur une rencontre, tenue à Paris le 6 avril 2003, commémorant le bicentenaire de la mort de Toussaint Louverture: «En invité d’honneur, l’écrivain et poète René Depestre a fait un retour en force sur la scène pour venir commémorer avec la communauté la mémoire de Toussaint. Dans un long texte, René Depestre a survolé les deux siècles qui séparent Toussaint de nous et regretté que les dirigeants haïtiens n’ont pas su relever le défi de nos aïeux.13» Les dirigeants haïtiens sont assurément responsables de leurs échecs et manque de vision, mais ils ne sont pas les seuls. S’avouer vaincu en pleine lutte pour changer la vie, spécialement venant d’un écrivain aussi respecté et influent comme Depestre, ne pouvait que nuire.

J’avais bien espéré que l’esprit optimiste, tendant vers le futur, de Toussaint Louverture l’aurait touché aux os, le tirant de sa torpeur. Loin de là: il est réapparu après la grande crise politique qui secoue Haïti en janvier–février 2004, n’ayant rien de mieux à dire que d’accepter sans critique le statu quo imposé par l’invasion franco-étatsunienne d’Haïti, allant jusqu’à énoncer des flatteries envers le rapport proto-impérialiste rédigé par Régis Debray, envoyé spécial de Jacques Chirac en Haïti, sur la crise. Kafkaïen?14

Le métier à métisser ne m’aide en rien à dévoiler la raison de la volte-face idéologique de Depestre, bien que son parcours général éclaire l’odyssée d’un homme toujours en mouvement, partagé entre la passion et la fuite, le doute et la certitude, le temps et l’infini, et dont le tout dernier choix ou destin jusqu’ici semble d’embrasser le désenchantement et la fatigue.

Les stimulations de la priorité

Le choix de la langue en soi ne saurait être le critère décisif pour juger l’œuvre d’un écrivain; dans ce cas-là on devrait disqualifier la quasi-totalité des écrivains de toutes les littératures du monde qui, par nécessité, produisent dans une langue spécifique donnée, qui est souvent, de surcroît, une langue impérialiste15. Ni que l’usage par l’écrivain d’une langue opprimée soit en lui-même une preuve de créativité ou d’authenticité révolutionnaire. Rappelons-nous que certains colons français à Saint-Domingue écrivaient en créole quand cela leur servait bien, et que le tonton-macoute le plus anti-peuple peut être le «créoliste» le plus vociférant. Les œuvres de Jacques Roumain, de Jacques Stephen Alexis, de René Depestre, de Jean Brière, de Frantz Fanon, d’Aimé Césaire, de Jean Métellus ou d’Édouard Glissant demeurent des œuvres importantes de la littérature antillaise—et de la littérature mondiale de la conscience—en dépit du fait qu’elles soient toutes écrites en français. Nous considérons les romans d’Edwidge Danticat, écrits en anglo-américain, aussi importants pour la dissémination de la vérité de notre mémoire tronquée que la libération de la parole créole «sou baboukèt» qu’ont opérée les œuvres créolophones de Félix Morisseau-Leroy.

Cela dit, ce que nous questionnons chez Glissant, ce n’est pas l’usage d’une certaine langue, le français, dans ses écrits, mais la décision (consciente ou non) de ne pas écrire aussi en créole, une langue qu’il considère être l’expression de l’identité opprimée des Martiniquais. Bref, nous servant de Glissant, nous voulons évaluer l’importance, l’influence, et ce que les Anglo-Américains appellent la «relevance» d’un écrivain, c’est-à-dire la pertinence humaniste de son œuvre en tant qu’objet historique et agent social, en examinant ce qu’il écrit, comment il écrit et pour qui il écrit.

La première question qui vient à l’esprit est ceci: Comment un intellectuel qui développe des idées si intuitives sur le «déport» et «détour» culturel de l’aliéné antillais, un écrivain conséquent, un poète-philosophe qui dégage si lucidement les soubresauts opaques de la mystification néo-coloniale, s’attache-t-il encore si éperdument—quitte à confronter une tension intérieure insupportable—à un instrument idéologique si formalisant et dépassé que l’usage unique de la langue du colonisateur par le colonisé. Glissant a cité un «écrivain sud-américain» à qui il s’en ouvrait et qui lui a coupé net: «Vous savez, monsieur, je me satisfais de la langue de Cervantès.» A-t-il eu d’autre choix?

Pour s’être assurés que la partie Est de l’île d’Ayiti (renommée Hispañiola par les Espagnols) et le reste de leurs colonies en Amérique ne suivent pas l’exemple radical d’Haïti, les colonialismes anglais et espagnol s’en étaient prémunis en instituant une sorte de politique culturelle de la table rase et d’absorption assimilatrice qui annulait tout effort organisé à une identification culturelle créole, donc se déviant de la norme imposée. De plus, entre le génocide physique et culturel des Arawaks et la propagande décervelante sur la soi-disant «barbarie» réprobatrice du régime indépendant haïtien, les nouveaux états de l’Amérique du sud, qui soutiraient relativement tard leur indépendance dans le compromis, étaient déjà trop «anglicisés» ou «castillanisés» et affaiblis pour qu’ils puissent revendiquer un référent linguistico-culturel autre. Tandis que les peuples «francolonisés» des Caraïbes, grâce en partie à leur continuelle résistance culturelle historique nourrie par leur parenté historico-linguistique avec l’Haïti rebelle—ou à cause de l’échec de la politique ou non-politique culturelle française—conservaient plutôt substantiellement leur langue propre, le créole, et leur culture à dominance africaine.

Comment un écrivain bilingue qui dit solennellement que «toute langue parlée par une communauté, quelles qu’en soient les conditions de déploiement, doit être élue dans son entière dignité», ou encore que «toute langue doit être promue en outil de production [1981]», n’a-t-il lui-même rien écrit dans sa langue maternelle opprimée? Cette contradiction nous rappelle nos «marxistes de salon» de jadis, ou ce personnage d’un conte de Maurice Sixto, qui se lamentent dans des termes émouvants du sort dégradant des «petites gens» tandis qu’ils jouissent des privilèges offerts par ce même ordre socio-économique qui les exploite et dégrade.

Nous expliquerions ce genre de contradiction par ce que nous nommerons le «choix intellectuel» que l’écrivain a fait au départ, et les «priorités» qu’il/elle s’est imposées dans l’exercice de ce choix. Ce choix implique sa «place»—ou l’idée qu’il/elle se fait de sa place—dans les rapports de forces socio-économiques, politiques, culturels et idéologiques en cours. Pour avoir aussi, dans la plupart des cas, internalisé les présupposés de l’idéologie culturelle dominante—en l’occurrence l’euro-américano-centrisme régnant—qui dévalue sa propre langue comme un simple «patois», «pidgin», «dialecte» ou «langue associée», qui n’a aucune représentation politique ou culturelle dans l’ordre politico-culturel imposé, l’écrivain antillais (ou haïtien) adopte et développe une sorte de funambulisme mental, similaire à ce que Glissant lui-même appelle un «détour», qui le tire d’affaire pour le moment, mais qui n’aborde en rien le problème fondamental, qui reste en fin de compte le problème de l’aliénation culturelle dans des sociétés dissolues et façonnées par la déculturation idéologique mise en branle par l’hégémonisme culturel de l’Europe et des États-Unis.

Pour bien cerner l’état d’esprit des écrivains comme Depestre, Césaire ou Glissant, c’est-à-dire des penseurs de premier plan qui élaborent des œuvres riches en splendeurs poétiques et flammes libérationnelles, mais qui, soit par timidité ou soit par conformité, méprisent totalement l’écriture créole, je veux recourir ici—avec grande réticence et sans en faire une théorie—à une notion d’hypothèse que j’appellerais la stimulation de la priorité. La priorité, en tant que pression et exigence de la contingence sur l’acte libre, est d’ordinaire l’élément le plus déterminant dans l’action de l’individu. Une personne qui a faim, sa priorité est de trouver quelque chose à manger; ainsi du prisonnier dont la priorité est la liberté, liberté physique ou mentale. La priorité de Christophe Colomb et de ses co-conquistadors, c’était de trouver des terres exotiques, fabuleuses et riches, et des peuples dociles, pour projeter dans l’espace et les âmes la gloire coloniale. La priorité du footballeur, c’est de jouer, de défendre son équipe, de marquer des buts; tout comme la priorité du policier macoutard, c’est de traquer et taper les contrevenants—imaginaires ou réels—de l’ordre légal/socio-politique existant, ou, dans le meilleur des cas, protéger les vies et les biens, qui sont souvent, dans son acception réductionniste, une seule et même chose.

Selon cette notion de la priorité, nous voyons bien que la priorité de Glissant, ce n’est pas tant d’échafauder une barricade de résistance pour se prémunir contre l’«éventuelle disparition»—jugée imminente—du créole antillais, mais d’élaborer une grandiose théorie de la relation créolisante dont il n’est même pas sûr de sa viabilité, la qualifiant lui-même d’«utopique».

En vérité, ce n’est nullement l’élément «utopique» du système glissantien qui nous préoccupe ici—nous partageons avec lui le grand rêve d’une humanité réinventée, renouvelée, complémentée; ce qui nous préoccupe, c’est sa négligence de voir dans la pratique (et praxis) militante de l’écriture créole comme facteur fondamental dans la solidification et la valorisation de la langue créole antillaise, qu’il juge lui-même opprimée par l’ordre culturel néo-colonial, voire en voie de disparition. Glissant a bien discerné l’issue de la problématique, et la nécessité de l’«action collective» pour contrecarrer les effets accablants de la domination culturelle; cependant, contre les évidences glaciales des dévastations du colonialisme français sur la santé physique, psychique et intellectuelle des peuples dominés, contre le processus de dépossession qui menace l’existence ethno-historique de ces peuples, Glissant a fait ce même «détour» évasif qu’il déplore chez ses compatriotes aliénés.

Le débat que nous entamons ici est important, car malgré les admirables efforts d’un petit nombre d’écrivains courageux des «départements français outre-mer»—dont Raphaël Confiant—pour écrire en créole, les obstacles «infra-suprastructurels» demeurent sinon insurmontables, du moins assez épineux, cela dans les milieux mêmes qui semblent sympathiques à la promotion du créole. Par exemple, dans l’introduction même de l’œuvre créole de Gilbert Gratiant, Fab Compè Zicaque, un livre considéré comme le précurseur des efforts actuels à l’écriture créole, à côté de la préface d’Aimé Césaire qui le caractérise comme «le réinventeur» de la langue créole, le «génie qui secrète la langue comme l’arbre qui exulte sa sève et répare ses blessures», les éditeurs trouvent opportun d’y jeter de l’eau froide en incluant un affixe qui dévalue à l’avance toute importance pratique ou symbolique de la publication de l’œuvre: «Mais il demeure que le champ du créole est limité», déclare l’affixe, qui continue sur ton d’autorité: «Un traité de physique, de mathématiques ou de philosophie en créole serait à la fois impossible et parfaitement inutile, et il s’agirait au surplus, pour leur rédaction, d’une tentative parfois ridicule.16» À vrai dire, cette remarque n’apparaît pas trop scandaleuse quand on sait que l’ouvrage est publié sous le parrainage conjoint de la «Direction régionale des Affaires culturelles de la Martinique, de la Guadeloupe et du Ministère [français] de l’Outre-Mer»! Ce qui est scandaleux, c’est le fait que cette assertion totalement fausse, séquelle d’une théorie/idéologie linguistique aujourd’hui totalement discréditée, soit présentée comme un axiome.

Naturellement, la voix de Glissant demeure l’une des voix les plus pertinentes dans les débats actuels sur l’affirmation identitaire des peuples de la Caraïbe, mais nous questionnons son accommodation de l’ordre culturel et épistémologique artificiellement engendré par le fait colonial comme une finitude dont les prescriptions sont vécues comme une finalité—se contentant d’embellir ses effets par des théories intégrationnistes qui préconisent une bâtardise écriturelle faussement qualifiée de «créolité».

Pour cela, nous rejetons à la fois la confusion délibérément créée par l’emploi des termes comme «créolité», «créolisation» et «créole» et la différentiation arbitraire qu’en a fait Glissant. Par exemple, Glissant peut bien appeler la langue martiniquaise «martiniquais» s’il le veut, mais parler de la nécessité d’instaurer l’intégrité de la langue créole en même temps qu’il préconise la «créolité» et la «créolisation» dans et pour les écrits français, ce n’est pas particulièrement aider la cause de la langue créole. En outre, comme nous l’avons déjà dit dans le chapitre «La Problématique et son historique», toute invention écriturelle pour faire de l’«inter-langue» entre créole et français ne fait qu’appauvrir la langue dominée, le créole, dans la mesure qu’il pérennise l’ancienne habitude d’une certaine école littéraire haïtienne où celui-ci est servi comme la matière brute d’un français à la fois raffiné et bâtardisé.

En conclusion, de même que le Grand Soir révolutionnaire ne verra jamais le jour sans l’action collective des dominés, de même le sauvetage de la langue et culture créoles des Antillais n’aura réussi qu’avec et par la praxis consciente des écrivains, intellectuels, éducateurs, artistes, militants politiques et scientifiques pour produire en créole des œuvres valables dans tous les domaines de la connaissance.

Il faut se méfier des envolées lyriques sur l’au-delà de l’aliénation culturelle, comme celles proférées par Glissant, qui, même quand de bonne foi, n’auront aucun impact sur l’ordre culturel néo-colonial qui, lui, agit sur l’actuel, la vie quotidienne. La question de la domination du créole par le français est à la fois politique, ethno-culturelle et existentielle. Elle est politique parce qu’une certaine classe et un certain régime politique dirigent les mécanismes de production et les institutions de consolidation dans le sens de leurs intérêts spécifiques. Elle est ethno-culturelle, parce ce qu’une certaine classe, une certaine race et un certain ordre de valeurs oppriment et dégradent une certaine classe, une certaine race et un certain ordre de valeurs opposés. Elle est finalement existentielle, parce ce que le rapport, pour être foncièrement inégal et humiliant, est vécu par l’opprimé sur le mode d’un traumatisme quotidien, mais refoulé. Il n’est pas à sortir de là. En tout cas, s’il/elle veut s’en sortir, il faut que l’opprimé revendique et se rapproprie non seulement l’espace géographique et les atouts socio-économiques, mais aussi l’espace psychique et intellectuel. Dans le cas des Antilles créolophones, la valorisation de la culture ancestrale africaine et de la langue créole est un minimum indispensable. Sans détour.

Notes

1.Cf. Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Éditions Gallimard, 1996.
2.Cf. Édouard Glissant, Le Discours antillais, 1981, republié en 1997 dans les Éditions Gallimard, Collection Folio/Essais.
3.Ibid…
4.É. Glissant, Le Discours antillais…
5.É. Glissant, Introduction à une poétique du divers…
6.Ibid…
7.É. Glissant, Le Discours antillais…
8.Ibid…
9.Ibid…
10.Cf. René Depestre, Le métier à métisser, Éditions Stock, Paris, 1998
11.Ibid…
12.Ibid… Lire le chapitre «André Breton à Port-au-Prince» pour plus de détails sur le rôle de Breton dans ces événements.
13.Fleurimond Kerns in Haïti-Progrès, avril 2003.
14.Nous élaborons plus sur ce sujet dans le chapitre «René Depestre: Quand “l’instruction musclée” mène au panégyrique néocolonialiste ou autocolonialiste»
15.Nous entendons par cette expression les langues comme le français, l’anglais, le russe, l’espagnol ou l’arabe dont l’usage est ou a été imposé sur des colonies conquises.
16.«Fables Créoles», Fab Compè Zicaque, de Gilbert Gratiant, Éditions Stock, 1996.

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