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Aden, nouvelles de marronnage culturel Numéro 57, 01/11/2001

«La loi était quelque chose qu’on pouvait manipuler pour le pouvoir et pour le profit. Les rues étaient assombries par quelque chose de plus noir que la nuit»

Raymond Chandler

Attention, le site d’Aden est régulièrement remis à jour. http://users.skynet.be/aden-news/. Pour s’inscrire: gilamaison@skynet.be

L’édito

Nous ne sommes pas au cinéma

En passant, des centaines de fois, l’image d’un avion de ligne se jetant sur une tour symbole de la puissance des États-Unis et en quelque sorte du capitalisme, les médias et en particulier la télévision ont réussi à nous faire vivre de façon presque pavlovienne les tragiques événements du 11 septembre 2001. Depuis, la guerre s’est imposée comme une évidence à la majorité de la population occidentale. L’armée américaine entame sa quatrième semaine de bombardements. Et c’est comme si nous étions pris d’une lassitude. Cela s’explique par l’approche qu’on nous donne de cette guerre: nous regardons en spectateur quelques images vertes et incompréhensibles d’une guerre lointaine. Nous ne vivons pas cette guerre dans nos chairs et si le dégoût et la révolte nous saisissent, il reste ce terrible sentiment d’incapacité à peser sur le cours du réel. Guy Debord dans un célèbre essai expliquait que «l’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé s’exprime ainsi: plus il contemple, moins il vit.»1 Face à la guerre, notre premier réflexe est souvent de vouloir savoir. Ruée sur les médias, sur les sites Internet. Peu à peu, l’information nous hypnotise et nous nous découvrons las et aigris.

Le véritable enjeu est de rompre avec cet artifice et de faire, d’agir: écrire aux journaux, organiser des débats, des manifs. Mettre sa créativité au service d’un idéal humain et digne.

Donc s’opposer à cette guerre par des actes physiques et intellectuels. Rompre avec le cirque. N’acceptons pas d’être les assis du siècle qui vient.

1. Guy Debord, La société du spectacle, page 31.

Des Nouvelles d’Aden

L’irrégularité d’Aden devient chronique. Pour y remédier, Aden sortira désormais chaque quinze jours, c’est à dire chaque premier du mois et chaque 15 du mois. Aden ainsi redécouvrira les joies de la ponctualité pour le plus grand plaisir de tous.

Aden montrera le bout de son nez lors de deux conférences avec Henri Alleg à Bruxelles et à Liège. (Le 8 et le 9 novembre.) Plus d’infos? L’agenda d’Aden est en ligne: http://users.skynet.be/aden-news/agenda.htm

Une petite annonce…

À l’occasion de la sortie du prochain livre des Editions Aden sur les attentats US (avec des contributions de Jean Bricmont, Noam Chomsky, Naomi Klein et Anne Morelli), nous recherchons les adresses du maximum de librairies françaises ou francophones progressistes ou alternatives ou sympathiques ou les trois en même temps. Ceci bien évidemment pour leur proposer de mettre en bonne place le livre qui sortira à la mi-novembre (plus d’infos sur le site.) Merci donc de nous filer les contacts de vos libraires préférés.

Les brèves
Guerre contre la démocratie.

Les bombes lâchées en Afghanistan font aussi des dégâts dans nos belles sociétés occidentales. À commencer par les USA où le gouvernement américain a déposé au Sénat et à la Chambre des représentants une série de propositions de loi sous le terme générique «législation antiterroriste». Le projet présenté par le fascistoïde ministre de la Justice, John Ashcroft, est officiellement destiné à accroître les moyens de contrôle et d’investigation des différentes agences gouvernementale dont la police fédérale (FBI). Premièrement, plus besoin de décision de justice pour mettre sur écoute et sous surveillance toute personne soupçonnée de crime ou de complot «destinés à influencer ou affecter la conduite du gouvernement par l’intimidation ou par la force, ou à riposter contre l’action du gouvernement». Autant dire que l’ensemble des organisations un tantinet radicales entre dans cette définition. «On peut ainsi raisonnablement se demander si des rassemblements, des débats publics, ou même des écrits contre la peine de mort ne pourront pas être suspectés d’être des «activités terroristes.» se demande à juste titre le journal l’Humanité.1 La dérive droitière des gouvernements occidentaux encourage le racisme d’États à s’affirmer de plus en plus: Les immigrés deviennent des suspects a priori: aux USA, tout immigré pourra être détenu sans mandat et ne pourra avoir de recours devant la justice qu’en cas d’expulsion. Les «suspects» pourront être interrogés dans le secret sans aucun droit à un avocat et sans contrôle judiciaire durant sept jours» et plus longtemps si nécessaire». À ce petit jeu l’Europe n’est pas la dernière: en Allemagne, par exemple, le Bundestag, envisage que tout demandeur d’asile ou immigré «économique» soit désormais directement enregistré dans le fichier du BKA, la police criminelle (Bundes Kriminal Amt) dans lequel il serait contraint comme n’importe quel malfaiteur de laisser ses empreintes digitales.

Les militants antimondialisation ne sont pas à l’abri non plus. Viviane Reding, commissaire européenne, a profité des événements pour se lâcher: «Certains manifestants antimondialistes sont des terroristes en herbe. «L’opportunité est trop belle de profiter du climat actuel pour se débarrasser d’un mouvement de plus en plus embarrassant. Ivo Flachet, avocat au centre «De Sikkel» à Gand et collaborateur des “Legal Teams” (équipes juridiques défendant les manifestants aux sommets de Gand et Bruxelles) explique parfaitement ce qui se cache derrière la notion de terrorisme des maîtres de l’Europe: «Elle est tellement large qu’elle permettra de poursuivre des jeunes manifestants ou des syndicalistes. Ainsi, à côté de préventions du genre prise d’otages, on peut y trouver au point (f) qu’est considéré comme terroriste tout acte visant une occupation illégale ou des dépravations de bâtiments gouvernementaux, de moyens de transport, de places publiques et de propriétés. Ainsi, des délégués syndicaux, comme ceux de Clabecq, pourraient être considérés comme des terroristes. Tout comme les membres du Collectif sans ticket, occupant illégalement un tram ou un train»2.

Par contre, ceux qui balancent des bombes aujourd’hui en Afghanistan sont des démocrates. Parce que finalement une bombe qui explose ne fait pas de différence: elle tue hommes, femmes et enfants. L’égalitarisme à l’occidental en quelque sorte.

Notes

1.L’Humanité, du 11/10/2001
2.Cité dans Solidaire n°41

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