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Automne, par Elizabeth Brunazzi, 2022.

«Automne» par Elizabeth Brunazzi, 2022.

Poésie en français

Poème d’Elizabeth Brunazzi

Automne

Éblouissante dorée
De feuilles s’envolant
Passage vagabond
Dans l’air violet
Des pics de montagnes colossales,
Qu’est-ce qu’elles cherchent ?
Ce qui est du passé, ce qui est à venir ?
Les ombres s’accumulent,
Il fait tard, de plus en plus tard,
Partons, partons au plus vite.

(Taos, 9 octobre 2022)

—Elizabeth Brunazzi

Poème de Tontongi

Simbi dans les eaux1

Caressé par le lent, frais vent
un dimanche ensoleillé,
rajeuni
revigoré
animé par l’élation d’être
le long de la vague tranquille de la plage
amoureusement aveuglé
par les yeux doux de Simbi
soudain un coup de foudre :
On ne vous reverra jamais plus
sur Terre ou n’importe où ;
avec son charme et un mouvement rapide,
mystérieux et chargé Simbi vous a séduit,
conquis à la fois votre corps et votre âme,
maintenant évaporés dans le monde nébuleux
elle prend en charge toutes vos émotions
maîtresse de votre espace et temps.

Vous venez d’être repris par Simbi
un nouveau retourné dans le monde éthérique
placé au fond de la matrice de l’océan
Simbi est maintenant votre seule amie
votre nanm, votre esprit est laissé derrière2
vous êtes l’invité des eaux
prisonnier provenant du monde passé
vous êtes le nouvel invité d’Agwe3
l’héritier du mantra
dans la profondeur sub-océanique du Trou Noir
les esprits voyageant au pas des humains.

Simbi dans les eaux
élégante, majestueuse et jolie
frappe rarement le temps de la vie d’une personne,
puis quand le glas sonne
souvent quand on s’y attend le moins
dans un tourbillon d’actions
le sacrifice doit être total
on doit inventer une nouvelle façon d’être ;
une nouvelle conscience sub-océanique
maintenant pénètre l’émoi du genre humain
Agwe et Simbi et les humains se joignant ensemble
dans les espaces perdus et interdits
dans le tréfonds de l’océan
pour se réjouir des plaisirs de la vie.

Notes

1.Simbi est la déité vodou de la mer, des eaux, de la chanson, qui habite dans les profondeurs de la mer. La version anglaise de poème a été publiée dans l’anthologie Ocean Voices (« Voix de l’océan »), éditée par Everett Hoagland, éd. Spinner Publications, New Bedford, Massachusetts.
2. Nanm = Âme, clairvoyance, konsyans en haïtien.
3.Agwe est la déité vodou de la mer et aussi du voyage, de l’exil.

Poèmes de Jean St-Vil

Ne perdez pas la tête

Chaque tête a son nom
D’aucuns disent le nom propre à la tête
Mais un nom sur la tête
Est-ce le nom de la tête
Ce que je sais
C’est qu’un nom sur la tête
Ne s’efface jamais
Même au-delà de la mort
Ce que je sais
C’est qu’un nom sur la tête
Colle au corps de sa tête à ses pieds
C’est la tête qui compte
Et qui compte avant tout
Quand quelqu’un perd la tête
Il ne perd pas son nom pour autant
Ne perdez pas la tête
Même si vous êtes sûr et certain
Qu’elle restera sur vos épaules
Ne perdez pas la tête
Même si vous êtes sûr et certain
Que votre nom restera
Pour des siècles et des siècles
Ne perdez pas la tête
C’est précieux tout le temps de la vie
Vive la tête
Vive la vie.

—Jean St-Vil

Poèmes d’Edgard Gousse

La bête du Nord

Il était une fois entre mers terre ombres et lumière
entre Montréal et New Atlanta
la Bête me traverse à grands pas
cercles de feux étalés à mes pieds
pour m’égorger à sa manière
puis longs voiles noirs d’odieuse présence

Une femme morte depuis des lustres
m’offre ses lèvres au goût d’orange amère
le marchand de journaux crie ensuite mon nom
pour dire que je n’existe plus
je suis pourtant là à observer la scène
ne rien entendre d’autre sinon le clapotement
d’eau de bouche s’infiltrant dans mes veines

Des coups de dents d’un chien errant
pour me dévorer les entrailles
une roue sous la nuque tourne et tourne
puis ne tourne plus cérémonie festive
la fille de l’Oncle me lance son dernier regard
taureau de corrida ou hôtesse de l’air
puis le venin s’éparpille dissimulé en son souffle

Un sourire obtus visage géométrique
jarrets de cerf portant les cornes de l’onde
me fait signe de m’arrêter
ma langue bavarde mes yeux insoumis
n’ont pas appris à s’agenouiller
du vert-de-gris bien vite dans mon verre
une goutte de silence aura suffi à ma mémoire
je hurle depuis ce jour nos moments murés
ne sachant à la vérité comment les chanter.

(Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Montréal, 16 avril 2022)

Sans-titre

il y a des jours où nous tentons d’oublier
les doigts morts du passé
et ne saisissons plus
la présence du souvenir
croisant notre ombre
alors nous assistons immobiles
devant la glace bordée de paupières
à l’autre catastrophe du monde

—Edgard Gousse

L’île Saint-Louis et le pont Louis-Philippe le soir lors des crues de la Seine de 2001.
L’île Saint-Louis sous des inondations printanières.

Le quai de Bourbon, la pointe occidentale de l’île Saint-Louis et le pont Louis-Philippe le soir lors des crues de la Seine de 2001, vu de l’île de la Cité. —image par le photographe à Paris, David Henry

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