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EXTRAITS

de l’Anthologie des Poètes Haïtiens du Massachusetts

Les suivants poèmes sont extraits de l’Anthologie des Poètes Haïtiens du Massachusetts, publiée au début de l’année 1999 par l’Association des Artistes Haïtiens du Massachusetts. Vingt-deux poètes collaborent à cette anthologie publiée en trois langues (créole, anglais, français). La liste entière des poètes inclus est: Suzy Magloire-Sicard, Patrick Sylvain, Marilène Phipps, William Dessilien, Guttenberg Filsaimé, Dalla Pierre, Serge Claude Valmé, Danielle Legros-Georges, Jean-Claude Martineau (Koralen), Brunir Shackelton, Bastien Pierre Phillipe, Emmanuel Védrine, Tontongi, Nicolas Lelio-Fils, Marcien Toussaint (Gifrants), Edwald Delva (Konpè Zòf), Gary Deroy, Ella Turenne, Jean Dauphin, Oreste Joseph, Mario Malivert, Charlot Lucien. L’anthologie est préfacée par Max Manigat, éditée par Danielle Legros-Georges, Corinne Etienne, Frantz Présumé, Emmanuel Védrine et Anna Wexler; les photos des auteurs sont prises par Jean Dauphin, Max Gabriel, Samson Similien, Patrick Sylvain et John Williams; l’illustration de la couverture est la reproduction d’une sculpture sur métal de Fontenelle Pointjour. Les membres du jury de sélection sont: Marilène Phipps, Michel DeGraff et Corinne Etienne. L’anthologie est dédiée à la mémoire de Félix Morisseau-Leroy, le grand poète et créoliste haïtien, décédé à Miami, Floride, en 1998. D’autres extraits de l’anthologie seront publiés dans la prochaine parution du journal.

Poèmes par Mario Malivert

Vague à l’âme

Un soleil grimace sous les saules
sur le sable un sourcil oublié
à la senteur salée
une nacelle sur les vagues
se laisse toute lasse swinguer

une chaussée grise et mauve
sur la croisée des rides de l’eau

l’autre jour sur mon sein
un écho
une volée de moineaux rien n’est dit
sur mes feintes
un rassis de salaud accroché
sur une vitre brisée

Effacé par les vagues

Sinistre
le rance pétri aux minuits
de hurlement de vent

volets clos de cœurs surpris au cadran d’ineptie
le gâchis à la dérive de mes désirs
je vis au sein de cubes branlants
de fioritures de vacarme ourdi

sur les cordes vocales du vent
mes cris à la remorque de l’absurde
la brise sur le flasque comme l’aorte
sur les bords des tumeurs

le temps fuit comme des globules
mauves au firmament des déchirures
les cors bruissent

je me tue toutes les minutes
toutes les turpitudes au charivari
de mes sens les virus grossissent

sclérosé les secondes aux lueurs
d’échappement chaleurs de sueurs noires
l’esprit dans une colonie d’algues
charme les discrets soupirs
aux dépens des vils chants de nuits

toute grise
la luxure
le philtre des fuites
le lointain des enfers
le non-sens des lendemains
le fini des ronflements de la brise
le ballotement des lames
mes nuits entre les empreintes sur le sable
et mes amours et mes êtres disparus
effacés par les vagues

—Mario Malivert

Poème par Gary Deroy

Extraits

(…)
Gare à toi l’Équilibriste de vouloir marcher sur ma
corde d’argent
Je suis mouvement
chariot de fleurs traîné par un troupeau de cygnes
chaqu’rat de ma demeure est une roue de lumière
blessant dans le trajet mes épines dorsales

Mais aujourd’hui déjà au bout de route
voici encore à tes racines
je redeviens la source naissante
de mes larmes
liquéfaction de mes yeux en sueur
j’irrigue tes adventices
et toi sous le berçage du vent
tu ombrages mes eaux de ta verte chevelure

(…)
Blessure blessée
je suis que tu le saches ce que toi tu es
miroir renversé dans la focalisation de ton image
et la virtualité n’est que symétrie
ouverture à la répartition des tâches

mon corps fécondera ton ombre
ton ombre incubera mon corps
mais le symbolisme de l’acte n’aura de signifié
que si nous avons vécu dans l’équilibre des contraires

Telle est la loi polaire le mécanisme de l’inceste

la mer se déversera dans la mer
tes larmes dans mes larmes
et de l’accouplement des eaux naîtra la fleur de pierre
semblable à la beauté d’une nature morte.

—Gary Deroy, Extraits de «Oraliture de la pierre endormie»

Poèmes par Charlot Lucien

Le coup de grâce

Le danseur au tambour, par Charlot Lucien, 1993

Le danseur au tambour, par Charlot Lucien, 1993

Entre le vieux mur moisi, crasseux,
Couvert de graffitis subversifs

Et le trottoir rugueux, désert
Jonché de débris de la récente manifestation
Il était affaissé, l’air maladif
De ses deux mains sales
Il pressait son ventre sans dire mot.

Il a faim le petit,
Décida un étranger miséricordieux.
De son sac de touriste repu,
Il tira un morceau de pain,
Et le lui tendit.

Le petit ne fit pas un geste.
Dans le vaste panorama
Que son regard embrassait,
L’étranger ne semblait même pas exister.

Déconcerté et ennuyé
—L’étranger n’était pas habitué
À ce qu’on ignore sa charité—
L’étranger se pencha sur le petit
Et d’un geste brusque lui tira la main
Pour lui donner le pain.

Du ventre jusqu’alors compressé
Un flot de sang, des entrailles jaillirent
Salissant les souliers blancs de l’étranger
Et le petit alors s’écroula entièrement
Aux pieds de l’étranger déconcerté.

Voici venir la Paix…

Voici venir la Paix, la Paix des cimetières.
Murailles calcinées, arbres déracinés,
Fleuves ensanglantés, ossements blanchis,
Lapés par les chiens dressés,
Et sucés par la vermine ambiante.
Espace rouge et irrespirable,
De ces émanations puantes que les seules narines
Des vautours et des chacals apprécient l’extase.

Voici donc la Paix venue.
Les loups, leurs gueules encore chaudes et fumantes,
Leurs crocs encombrés de quelques lambeaux de chairs,
Contemplent l’œil avide,
L’enfer de feu, de fumée, de sang et de ruines,
Qu’ils ont peint sur la nature…

Et voici, ils se jettent aux alentour, battant la campagne.
Ce qui reste de bois et de mornes,
Est écartelé, fouillé, haché, violé.
Mais les bois, les mornes n’ont plus de victimes,
Ni à cacher, ni à livrer.
Les victimes anticipées,
Ont longtemps pris la mer,
Préférant exposer leurs chairs
Au tranchant des mâchoires de requins,
Qu’a celui des loups enragés.

Les loups ont couru en vain, excités et furieux.
Alors, haletants de haine et de dépit,
Ils laissent glisser leurs regards jaunes et glauques,
Les uns sur les autres, se soupesant discrètement…
Le spectacle final fut soudain et brutal,
Vacillant entre l’horreur et le grotesque.

Les loups dans une formidable mêlée,
De chairs sanglantes, de crocs baveux, et de halètements,
Les loups se jetèrent les uns contre les autres.
Cela ne prit que le temps
D’un cillement,
De quelques grognements,
Mais voici,
Voici, la Paix est venue…

—Charlot Lucien (le second poème est inédit)

Poème par Suzy Magloire-Sicard

A lively corner in Central Square, Cambridge, before it was ripped down by yuppie real estate interests. —photo by David Henry

A lively corner in Central Square, Cambridge, before it was ripped down by yuppie real estate interests. —photo by David Henry

Tristesse

un pays
dans le monde…
une ville
dans ce pays
une rue dans cette ville
un trottoir
dans cette rue…
du sang
sur ce trottoir
un blessé
dans ce sang…
une foule autour
de ce blessé…
un enfant
dans cette foule…
un cœur
dans cet enfant…
du chagrin
dans ce cœur…

—Suzy Magloire

Poème par Dalla Pierre

Les papillons

Là-bas dans mon village
Des papillons de tout genre
De toutes sortes de couleurs
Viennent à la recherche des fleurs
Je peux les voir à l’horizon
Par les vitres des maisons
Voltiger ça et là par milliers
Partout sur les sentiers
Allant de branche en branche
De feuillage en feuillage
À la recherche des fleurs
Qui hélas ont causé leur malheur
Sans le savoir ils ont sucé
Des nectars empoisonnés
Ces petits aujourd’hui ne sont plus
Ils ont pour toujours disparu
Ils ont été loin de leur logis
Tous engloutis dans la nuit.

—Dalla Pierre

Poème (inédit) par Idi Jawarakim

Rêvotique

Elle avait les cheveux de pluie fraîche
Un visage d’air pur
Des yeux de lever de soleil
Un regard de coup de foudre
Un sourire de beau jour de printemps
Une voix à la fois de rêve érotique
Et de tonnerre qu’on égorge
La démarche de fumée d’encens
Qui rampe vers des cieux paresseux
Elle était belle
Comme la femme des rêves d’un aveugle né
Ses qualités ne se comptaient plus
Pourtant les saintes âmes du quartier
En avait fait une salope
Parce qu’elle ne marchandait pas ses fesses
À qui savait les lui demander
Avec un peu d’adresse
Et un semblant de tendresse
Les années ont passé et de retour au bercail
Elle avait tant changé
Qu’elle ne m’aurait pas reconnu
Tout le monde a changé
On pleurait
Une brave fille
Dont le masque mortuaire
Éclipsait une petite salope
Que j’ai connue
Que je pleurais
Parce qu’elle était:

Mon amour d’une fois
Mon amour d’autrefois
Mon cher et tendre amour
Où étais-tu ce matin
Quand j’ai sauté du lit
Je cherchais ton ombre
Pour la caresser
Las dans ma pensée
De chercher à reconstituer
Cet être pour qui je ne suis plus
Et dans mon souvenir
J’ai vu s’estomper les traits de ce visage
Depuis celui que j’ai connu
Jusqu’à celui que tu aurais
Celui que je garde jalousement
Celui que nul autre ne connaît.

Les volets de ma fenêtre
Se sont endormis
Un soleil polisson se vautrant
Dans mon lit
Me caressait la peau
C’était le paradis
Me croyant près de ta peau
Je me suis réveillé
L’affreuse réalité
M’avait tant déçu
Qu’elle avait même chassé
Ton image dans ma pensée.

Mon amour de toujours
Mon chagrin du moment
Que ne me réapparais-tu
Une fois de plus
Je ne demande pas mieux
Que de pouvoir étreindre ton ombre
La caresser comme une ombre
Qu’on a séduite et qui se laisse faire
Je donnerais volontiers
Toute la fortune que
Je ne posséderai jamais
Pour avoir seulement
Un atome de toi
Avec moi
Oui je donnerais volontiers
Toute la fortune que
Je ne posséderai jamais
Pour palper un court moment
Un atome de toi
Sous mes doigts.

—Idi Jawarakim (inédit)

Miscellanées

—compilées par Emmanuel Védrine

Ressources haïtiennes sur l’Internet: Une compilation de liens aux sites web et adresses électroniques
 

Cauvin L. Paul a publié son dernier roman, Les Sédentaires, Canada, Éditions Humanitas, 1998, 191 pages.

Ce roman, nous dit Jean L. Prophète, «cerne les lieux, les personnages, les évènements ainsi que les moindres incidents et faits divers de la conjoncture socio-politique haïtienne, dans tout ce qu’elle comporte a la fois de risible, de tragique et d’absurde. C’est bien plus qu’une aventure littéraire. C’est la gestion romanesque de l’actualité.»

Originaire du nord-ouest d’Haïti, Cauvin L. Paul a l’age de cette génération perdue qui, frappée d’ostracisme par le régime autocrate des Duvalier, dut s’exiler. Il a publié plusieurs œuvres poétiques dont Les Nouvelles Cantilènes (1964), Bourgeon de Soleil (1965), En ecoutant le Mistral(1966), Loetitia (1970); une nouvelle, Nuit sans Fond (1976), un roman, Le vieux Samuel (1996) et un essai critique, Manuel, un Dieu tombé (1975). Co-fondateur du journal Haïti-Progrès et de la revue Lakansyèl, Cauvin Paul vit actuellement à New York. Détenteur d’un doctorat en-Lettres, avocat et psychopédagogue, il enseigne le français et les littératures française et haïtienne à New York Collège (City University of New York). Vous pouvez vous procurer ce livre au prix de $20 plus $3 pour les frais de manutation et de transport, en écrivant directement à Cauvin L. Paul: E-mail: Cpaul26348@aol.com

—Thervil Walner

Dictionary of Louisiana Creole

(1998) 656 pages by Albert Valdman, Thomas A. Klingler, Margaret M. Marshall, Kevin J. Rottet. Publisher: Indiana University Press (Bloomington / Indianapolis). To order: iuporder@indiana.edu

The Dictionary Of Louisiana Creole emerged as part of a collaborative endeavor initiated by Jean Bernabé at the Fort-de-France campus of the Université Antilles-Guyane. Professor Bernabé envisaged a dictionary that encompasses all the French-based Creoles of the Caribbean «Dictionnaire Pan-Créole de la Caraïbe» [DPCC]. Albert Valdman, as author of the then most-complete dictionary for the region, Haitian Creole-French-English Dictionary (Bloomington, IN: Indiana University Creole Institute, 1981), was invited to join the project and agreed that the data from that latter dictionary be incorporated into the project DPCC data base in the absence of any existing lexicographic resource for Louisiana Creole (LC).

Memwa sou tan pase, 6 avril 1997:

Rankont nan Boston, jounen sa a, ant Kaptenn Koukouwouj, Kelèsbrezo, Féquière Vilsaint, Maude Heurtelou, Kiki Wainwright, Gary Daniel, Farah Juste, Carole Demesmin ak anpil lòt atis e ekriven pou selebre Jean-Claude Martinen nan lakou Boston.

Depi bagèt kreyòl frape, asotò Keslèbrezo ak Kaptenn Koukouwouj reponn. De powèt sa yo pa enkoni nan lakou Boston. Nou kapab konsidere yo kounyeya kòm pitit adoktif kominote ayisyèn Boston an. Keslèbrezo fè yon pase nan Boston limenm pi souvan kote li toujou entèvni nan medya ayisyen an (radyo oswa televizyon) pou l ban n goute kèk nan «lomeyans» piklis li yo. Toulede kouzen yo te reponn prezan tou nan gwo koudyay «Asanble Atis ak Ekriven Ayisyen Nan Massachusetts» te òganize pou Jean-Claude Martineau (Koralen) nan mwa avril 1997 la. Nan koudyay literè sa a, te gen moun ki soti toupatou nan dyaspora a, enkli manman peyi a, Ayiti. Se te yon plezi pou anpil moun te rankontre de kreyolis yo, de potorik powèt sa yo kap feraye nan literati kreyòl la nan lakou Kanada depi kèk tan. Te gen tou yon latriye atis ak ekriven ki te soti Miyami, pami yo, te gen leksikològ Féquière Vilsaint, romansye Maude Heurtelou, powèt Kiki Wainwright, powèt Gary S. Daniel, atis Farah Juste, Carole Demesmin elatriye… Pèwokè pa ale nan lagè men l voye pli m li. Kouzen Jan Mapou, youn nan responsab Sosyete Koukouy nan Miyami, pat ka vini men l te voye reprezantan Sosyete Koukouy.

Ansuit te gen Keslèbrezo ak Kaptenn Koukouwouj ki te patisipe nan Jounen Entènasyonal Kreyòl Yvon Lamour te òganize anba «Tonèl Lakay» nan mwa oktòb ane pase. Jou espesyal sa a toujou selebre nan dat 28 oktòb. Se nan mwa sa a Jan Mapou fèt tou. Pa tèlman lontan, Kaptenn Koukouwouj mete yon kokenn liv pwezi deyò, an palan de Zilè nou. Liv sa a tradui an fransè pa Maximilien Laroche e an anglè pa Jack Hirschman ak Boadiba. Kaptenn reyèlman satouyèt lang kreyòl la atravè «imaj» ki domine nan pwezi l yo. Anvan lontan, Keslèbrezo va fè n fè konesans ak yon manman woman ki rele Silfis. Lomyans sa a chita sou koze «restavèk» Ayiti, yon tèm anpil ekriven ayisyen pa touche. Kenbe la kouzen m yo nan lakou Kanada pou kreyòl la vale teren lòtbò a!

—Emmanuel W. Védrine

NDLR/Nòt Redaksyon

Nan kad onorasyon e selebrasyon pou Martineau a, majistra Minisipalite Boston an, Thomas Menino, ansanm avèk gouvènè Eta Massachusetts la, William Weld, te chaken fè soti yon Pwoklamasyon Ofisyèl kote yo te deklare jounen 6-Avril-1997 la, Jounen Jean-Claude Martineau, nan Boston e nan Eta Massachusetts la.

—Emmanuel W. Védrine

Entre les écluses dans le canal Saint-Martin, Paris. —photographie par David Henry

Entre les écluses dans le canal Saint-Martin, Paris. —photographie par David Henry

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