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Forum Politique des Socioprofessionnels Progressistes Haïtiens (FPSPH)

Port-au-Prince, lundi 11 février 2019

Prise de position publique en réponse à la note publiée le dimanche 10 février 2019 par le Core Group

Manifestation de masse sur le Champs-de-Mars à Port-au-Prince le 17 octobre 2018.

Manifestation de masse sur le Champs-de-Mars à Port-au-Prince le 17 octobre 2018.

Mesdames, Messieurs

Nous, signataires de la présente, Membres du Forum Politique de Socioprofessionnels Progressistes Haïtiens (FPSPH), avons pris connaissance avec stupéfaction, consternation et inquiétude, d’une note datant du 10 février 2019 et portant signature des représentants de pays dits «amis» d’Haïti, réunis sous la dénomination de «Core Group». Dans cette note, le Core Group, tout en réitérant son soutien à M. Jovenel Moïse, s’est donné pour mission d’informer les Haïtiens que le changement doit se faire par les urnes et non par la violence.

M. Jovenel Moïse, installé au pouvoir depuis deux années à la faveur d’élections largement contestées, fait face, depuis plusieurs mois, à une véritable fronde populaire en raison notamment, d’une part, de la dégradation accélérée des conditions de vie de la population et, d’autre part, de son implication directe dans de multiples actes de corruption avérés.

Rappelons que M. Jovenel Moïse, imposé au pouvoir alors même qu’il était inculpé par la justice haïtienne (à la suite d’un rapport de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers, UCREF), est maintenant nommément accusé de vols, de prévarication et de dilapidation des fonds publics à la faveur de trois (3) rapports, dont deux (2) issus du Senat haïtien, et le dernier en date étant un rapport partiel de la Cour Supérieure des comptes et du Contentieux administratif en janvier 2019.

Plusieurs entités haïtiennes crédibles de la société civile (dont le FPSPH) étaient montés au créneau en 2016 et 2017, alors que M. Moïse était soupçonné de blanchiment des avoirs, dans un rapport de l’UCREF (août 2016), transféré, pour les suites judiciaires, au cabinet d’instruction près le tribunal civil de Port-au-Prince. Transactions bancaires et acquisitions douteuses non soutenues par des opérations salariales et/ou commerciales, sont, entre autres, les éléments d’accusation relevés suivant l’enquête financière menée sur l’intéressé, allant de la période du 5 mars 2007 au 31 mai 2013. Désormais, il s’agit d’engager le procès de la plus vaste escroquerie jamais réalisée dans toute l’histoire du pays, la dilapidation de 4,2 milliards de dollars.

Si tant est que le Core Group, dans sa composition actuelle, a été établi en 2004 afin de promouvoir le dialogue avec les autorités haïtiennes et de contribuer à une action efficace de la communauté internationale en Haïti, nous ne pouvons manquer de constater, quinze années après, la faillite évidente de la ligne mise en œuvre par celui-ci ! À contrario, cette ligne participe du dispositif d’instabilité, d’appauvrissement et de dégradation des conditions du pays.

Et pour cause, comment comprendre que la note salue le professionnalisme de la Police Nationale d’Haïti (PNH) au même moment où des citoyens haïtiens sont abattus par des francs-tireurs au mépris du respect du droit élémentaire à la vie ? Le samedi 9 février 2019, un adolescent de quatorze (14) années, Roberto Baggio Thelusma, a été abattu de plusieurs balles aux abords d’un centre hospitalier alors qu’il aidait sa mère, une petite commerçante. Par ailleurs, comme il a été dénoncé par des organisations de défense des droits humains, des massacres de populations civiles sont perpétrés dans des quartiers populaires—La Saline, Martissant—avec la participation active d’unités spécialisées de la Police. Le Core Group est-il sans considération pour les gens assassinés dans l’exercice de leurs droits civils et politiques, dans leurs revendications de la vie digne et leur dénonciation de la corruption ? En bref, le professionnalisme que le Core Group salue n’est autre que le cauchemar d’une population qui en a marre de la corruption, des injustices, marre des abus de pouvoir, du gaspillage des fonds publics et de la mauvaise gouvernance. Sans aucun doute, une telle position vise-t-elle à répéter l’expérience tragique rwandaise de 1994 en Haïti !

Dans le cas qui nous concerne présentement, tenant compte, il est vrai, des connivences et des accointances de l’International Communautaire avec le pouvoir en place, avec les puissances d’argent et le secteur rétrograde du pays, rien ne saurait nous étonner dans le fait que le Core Group supporte le monstre qu’il a créé en 2016. Cette opiniâtreté aveugle à vouloir imposer M. Jovenel Moïse comme président passait déjà mal dans la gorge des Haïtiens. Mais, tout fut mis en branle dans le but de bananer (escroquer, tromper) la population haïtienne ! Quelques mois plus tard, nous en sommes aux résultats : climat de confrontations, guerres civiles larvées conflits socio politiques et débâcle économique sans précédent, anarchie institutionnelle amplifiée.

À ce stade, est-il superfétatoire de rappeler aux donneurs de leçons que tout mandat présidentiel est assorti d’une mission. Le Core Group, en se portant garant du mandat de M. Moïse tout en faisant fi de sa mission, se positionne comme les pires ennemis du peuple haïtien dont les revendications sont l’accès au minimum vital décent, à la justice sociale et le droit à l’auto-détermination.

Nous autres, signataires de la présente, ne saurions tolérer une telle ambivalence condescendante de la part du Core Group, se comportant qui pis est comme des administrateurs coloniaux. Aussi, souhaiterions-nous rappeler aux tuteurs de M. Moïse, que les Haïtiens, en tant que peuple libre et au passé glorieux, libéré des puissances colonialistes séculaires, ne saurait nullement recevoir d’eux des leçons de démocratie, en particulier, lorsque celles-ci sont entachées d’exceptionnalisme et de particularisme !

Signalons de plus, que les forces rétrogrades lors même qu’elles sont soutenues par les puissances d’argent, les médias et l’international ne pourront venir à bout de l’aspiration légitime au changement de toute une population.

De plus, on voit difficilement comment des directives émanant du Core Group pourraient être prises au sérieux maintenant tant nous savons que :

  1. la crise politique et économique dans laquelle le pays est actuellement embourbé est une résultante des impositions de pays membres du Core Group et,
  2. que les dirigeants actuels, en raison même de leur déficit de légitimé, sont plus préoccupés à faire le jeu des puissances tutrices pour compenser leur manque d’ancrage populaire plutôt qu’à satisfaire les revendications fondamentales et basiques de la population haïtienne.

Et, puisque le Core Group, par son attitude de commandeur combinée à sa projection erronée de l’avenir du pays, fait désormais partie du problème haïtien, il ne saurait, en aucun cas, aujourd’hui être partie de la solution !

Aussi, nous lui saurions gré de faire preuve de cohérence et de retenue dans le dossier d’Haïti ! Est-il nécessaire de mentionner que la plupart des membres de cette structure appuient ouvertement un coup d’État d’extrême droite au Venezuela ? La note nous paraît d’autant plus grotesque et inappropriée que les représentants des pays qui l’ont signée sont ceux-là même—Canada, États-Unis, Brésil, France, Union Européenne—qui affirment haut et fort, au mépris des règles élémentaires de démocratie et du droit international, reconnaître un président autoproclamé, M. Juan Guaido, dans la République Bolivarienne du Venezuela. Même dans l’indécence, il faut un minimum de décence !

Pour finir, nous autres, Membres du Forum politique des socioprofessionnels progressistes haïtiens (FPSPH), tout en dénonçant, une nouvelle fois, l’hypocrisie mal masquée du Core Group qui se positionne toujours aux antipodes du combat du peuple haïtien pour son indépendance, réitérons notre engagement ferme et invariable à appuyer sans relâche toutes les mobilisations de la population haïtienne pour exiger des dirigeants légitimes, crédibles, honnêtes, dignes et intègres, capables de prioriser les desiderata et les besoins légitimes de la population haïtienne dans la gestion des ressources et richesses du pays !

Suivent les signatures :

BELFLEUR, Jean Willy, Philosophe, Pédagogue
BELTIS, James, Sociologue
BOUMBA, Nixon, Sociologue
CELESTIN, Reynold, Géographe, Anthroposociologue
CHERY, Pierre-Michel, Écrivain
DARBOUZE, James, Philosophe, Travailleur Indépendant
DESCIEUX, David, Ingénieur, Ms Economics
ETIENNE, Jean Odile, Géographe, Professeur des Universités
EXILE, Merlande, Juriste de formation
GERMAIN, Carlo, Avocat militant
GUERRIER, Pierre-André, Ingénieur-Agronome, M. Sc. en Développement
JEAN-LOUIS, Jean Bernard, Normalien supérieur
LAMOUR, Sabine, Féministe, Sociologue
LINDOR, Clarens, Avocat, Philosophe, enseignant
MICHEL, Fresner, Philosophe, enseignant
MICHEL, M. J. Junior, Anthropologue, formateur.
PAUL, Volcimus Ismaël, Normalien Supérieur, Géographe
PETIOTE, Djimy, Pédagogue, Littéraire
PIERRE-TOUSSAINT, Jean Médy, Gestionnaire, Travailleur Indépendant
PROVIDANCE, Nélio, Économiste, Enseignant
ROMAIN, James, Philosophe, psychologue et militant.

Pour authentification :

Belfleur, Jean Willy, 3694-2404
Darbouze, James, 3237-5495

PS. Cette note reste ouverte à signature de socioprofessionnels-lles progressistes haïtiens-nes.

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