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ÉDITORIAL

Vers un nouveau mouvement des droits civils aux États-Unis

Beaucoup de défis sont présentés à notre monde aujourd’hui. La question « traditionnelle » de l’exploitation de l’humain par l’humain est devenue compliquée par l’ajout de celle de la non-représentation de l’humain dans les délibérations et considérations qui le concernent dans les centres de pouvoir qui décident son sort.

Aux États-Unis il y a aujourd’hui la question de la brutalité meurtrière des policiers qui fait la une des journaux et des médias de toute sorte. On y a relevé une liste de plus d’une douzaine d’hommes noirs étatsuniens qui sont tués au cours des vingt dernières années dans des conditions suspectes par des policiers blancs, qui ont tous échappé à la poursuite criminelle grâce à la manipulation institutionnelle du système de Grand Jury par des procureurs biaisés qui protègent leur force de police.

Ce qui a ébahi plus d’un et réjoui beaucoup d’entre nous, c’est le grand mouvement de contestation populaire qui émane de la décision de non-lieu énoncée par les grands jurés de Missouri dans le cas du policier Darren Wilson qui tue un adolescent noir, Michael Brown, alors que celui-ci le fuit, blessé de ses balles. Seulement deux semaines après le non-lieu de Missouri, un autre Grand Jury de Staten Island, New York, a prononcé un non-lieu en faveur d’un autre policier blanc Daniel Pantaleo qui a tué un homme noir, Eric Garner, par étranglement alors que trois autres policiers le tiennent serré sur le sol. Tout cela est relayée sans faute par une vidéo-transmission.

Ce mouvement de contestation qui agrippe les États-Unis et qui rassemble des gens de différentes provenances sociale, ethnique et raciale, avec une grande pluralité de jeunes de toutes races, a montré que malgré les distractions nihilistes promues par la globalité la lutte pour la justice est bien en vie. Ces séries de protestations signalent l’émergence d’un nouveau mouvement des droits civils qui, à part la brutalité policière, veuille remettre en question les rapports d’inégalité et d’oppression de toute sorte.

Ce nouveau mouvement est informé par à la fois les accomplissements et les faillites du précédent, usant cette expérience et connaissance pour le pousser de l’avant, en avant vers la construction d’une société plus inclusive, une société qui respecte l’intégrité corporelle de la personne, une société qui respecte les droits égaux pour tous, leur droit d’être, leur droit qu’on ne leur tire pas dessus à cause de la couleur de leur peau ; leur droit de questionner les intentions, tactiques et pratiques du policier, bref une société qui respecte leurs droits comme personne humaine, indépendamment de la couleur de leur peau ni de leur statut socio-économique.

Ces relents de racisme dans les institutions les plus respectables du pays montrent que les acquisitions du mouvement des droits civils ne sont pas irréversibles et que chaque génération doit lancer son propre mouvement de protestation pour les raffermir et élargir. En tout cas, les protestataires d’aujourd’hui se disent prêts à relever le défi, descendant en masse dans la rue et bloquant, sans s’annoncer, les intersections comblées des grandes villes durant les heures de pointe. « Nous en avons assez ! » les protestataires crient, et levant collectivement les deux bras en l’air à la manière de Michael Brown, le tué de Missouri, qui aurait fait ce geste avant la dernière balle fatale, ils crient « Don’t shoot ! » « Ne tirez pas ! » Puis, imitant encore les derniers mots d’une autre victime de meurtre policier, Eric Garner, le tué de Staten Island, à New York, ils hurlent à haute voix : « I can’t breathe ! » « Je m’étouffe ! » Ce rituel se répète et est suivi dans toutes les manifestations, avec souvent la sentence : « Jetons dehors les flics racistes » « Jetons dehors les flics meurtriers ! » « Eh ! Eh ! This is what democracy looks like » « Hé ! Hé ! Voici le visage de la démocratie ! »

—Tanbou décembre 2014

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