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Une flamme pour vous

—par Ghislaine Sathoud

Il paraît que la foi sauve…

Non-titré par Fontenelle Pointjour

Ici, si l’on n’y prend garde, la détresse psychologique finira par nous occire tous. Une chose est sûre, la consternation gagne du terrain et elle pourrait bien nous engouffrer dans l’abîme. Mais bon, mon subconscient me renvoie des images aguichantes: on dit qu’il est comme un ordinateur qui engloutit toutes nos pensées, c’est bien cela? Il parait même que les sombres pensées sont comme des virus… qu’elles s’incrustent en profondeur pour saper l’humeur, voire même pour affecter la santé. Voilà donc pourquoi il est fortement conseillé de les repérer, avant qu’il ne soit trop tard, pour les extirper, pour les éloigner: cette excursion est en réalité un voyage thérapeutique qui permet de panser nos meurtrissures, un voyage thérapeutique qui aide à garder le sourire en toutes circonstances, qui donne du tonus pour prendre la vie telle qu’elle se présente. Le positivisme en question…

Vous savez, je n’ai pas changé hein! Je pense toujours que les droits humains sont inaliénables et sacrés. Voyez-vous, je suis en taule parce que mes convictions dérangent certains, ils ont le pouvoir et la force et ils font ce qu’ils veulent. Pour ma part, fort heureuse, je demeure persévérante; je crois qu’il faut continuer de combattre l’injustice, nous continuerons de défendre la justice, à nos risques et périls, nous poursuivrons ce noble combat.

Eh oui, ma position n’a pas changé d’un iota. Niet! Mes desseins restent immuables. Rien ne me détournera de mes ambitions. Rien, absolument rien. Même pas les intimidations. Surtout pas cette captivité illégale, cette profanation des droits humains, n’ayons pas peur des mots; ces mots qui d’ailleurs donnent des sueurs froides aux hommes forts de ce pays de merde: comme quoi il ne faut pas méconnaître la force des mots. Avec mes mots, rien qu’avec mes mots, je dérange ces gens qui n’ont aucun respect pour la population; des gens qui font parler les armes pour mater le peuple et conserver le pouvoir. Seulement avec mes mots, n’est-ce pas génial? Ils veulent donc me punir. Oui, oui, il faut garder espoir. Donc, je tiens bon. Ah, espoir, qu’apportes-tu à ceux qui ne jurent que par toi? Deux mois… Depuis deux mois je suis incarcérée arbitrairement dans des conditions exécrables; ils veulent me tuer à petit feu! Les motifs? Ma détermination de dénoncer les violations des droits humains simplement! Comme toujours, ils usent et abusent du pouvoir. Or, je condamne ouvertement ces pratiques.

—En prison, vous cesserez d’agacer le monde, hurlait un troufion armé jusqu’aux dents le jour de mon arrestation.

—Ah bon?

—Silence! bramait-il.

Ici, on perd la vie pour tout… On perd la vie pour rien… J’avoue que je suis en quelque sorte immunisée: plus rien ne m’effraie! Certes mes engagements sont des risques pour mon entourage et moi-même. J’en suis consciente. Cependant, faut-il pour autant tolérer la violence? Faut-il garder un silence complice? Faut-il accepter indéfiniment de subir des bestialités? Les jeunes ne peuvent plus étudier convenablement; les fonctionnaires deviennent des mendiants parce que les salaires sont irréguliers, c’est une vraie catastrophe!

—Bof, y’en a marre à la fin! avais-je rétorqué, à la grande surprise de mon tortionnaire.

—Pardon?

—Que faites-vous des nos droits?

En fait, nous sommes une ligue des droits et libertés. Nous défendons les droits humains. Notre pays est saigné à blanc par des guerres répétitives: pour la petite histoire, nos dirigeants ne veulent pas instaurer la démocratie.

Alors, nous dénonçons la violence, nous réclamons une justice sociale: voilà pourquoi ils veulent nous mater, ils ont la force et le pouvoir, nous n’avons rien… non, pardon, nous n’avons que nos mots; nous avons la force de nos mots.

Je ne baisse donc pas les bras, je tiens bon, j’entreprends un énième voyage, cette fois-ci, je le baptise le voyage de l’espoir, il s’agit d’un voyage imaginaire, comme j’en fais souvent, pour poursuivre mon militantisme. Étonnamment mes mélancolies m’apportent la vitalité nécessaire pour rester sereine. Et, je trouve des résolutions salvatrices! Pour tout dire, mes mots jouent divers rôles: tantôt devises, tantôt passeports, ils sont en fait des armes tranchantes qui sèment le trouble dans les rangs de ces seigneurs de guerre!

À présent, mon voyage me conduit vers vous. De ma prison, je m’évade par mes pensées, je sillonne le monde pour évoquer nos maux, pour rechercher des alliés. Voulez-vous recevoir la flamme de l’espoir? En outre, j’ai enseigné aux autres prisonniers l’amour des voyages clandestins en guise de cures reconstructives. Il faut trouver des astuces pour survivre. Les résultats sont pathétiques! Des victoires encourageantes, ils parviennent, ne serait-ce que l’instant d’une réflexion d’oublier ces cellules nauséabondes et insalubres.

En tout cas, j’ignore ce que nos geôliers feront de nous. Peine capitale? Viols? Ce qui est sûr, c’est que nous subissons déjà de la torture.

Bref, quelle que soit la sentence, c’est du pareil au même quoi! Je n’attends rien de ce futur simulacre de procès qui sera carrément l’apogée de la barbarie. L’arrestation en elle-même est déjà un délit.

Et cette flamme, voulez-vous l’attiser en hommage aux innocentes victimes de la bêtise humaine? Au fait, les droits humains, y croyiez-vous? Si oui, trinquons pour d’autres voyages, continuons donc la sensibilisation!

Tchin-tchin!!!

L’écrivaine Ghislaine Sathoud est née au Congo-Brazzaville et réside dans sa patrie d’adoption, le Canada, depuis plusieurs années. Elle a publié plusieurs ouvrages: Les femmes d’Afrique centrale au Québec, Le combat des femmes au Congo-Brazzaville, L’Art de la maternité chez les Lumbu du Congo, pour ne citer que ceux-là. Sa pièce de théâtre intitulée «Ici ce n’est pas pareil chérie!» est utilisée pour la sensibilisation afin de prévenir la violence familiale dans son pays d’accueil.

—par Ghislaine Sathoud pour en savoir davantage, consultez: www.ghislainesathoud.com

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